Intervention de Alexis Corbière

Séance en hémicycle du mercredi 21 février 2018 à 21h30
Débat sur la régulation des jeux d'argent et de hasard

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAlexis Corbière :

Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la rapporteure, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, effectivement, non à la privatisation de La Française des jeux ! Quand le débat s'ouvrira, nous nous opposerons à l'ouverture de son capital.

J'en viens à mon propos. Chaque année, dans notre pays, près de 50 milliards d'euros sont misés sur les jeux d'argent et de hasard. En 2010, 47,8 % des Français étaient des joueurs occasionnels ; en 2014, ce taux avait progressé de près de 10 points, la France comptant alors 46 millions de joueurs. En plus d'une hausse globale du nombre de joueurs, le nombre de joueurs dits à risque modéré connaît une progression inquiétante : leur nombre est en effet passé de 400 000 en 2010 à 1 million en 2014.

Sans citer trop de chiffres qui compliqueraient mon propos, je note que si, depuis quinze ans, les Français ont eu de moins en moins d'argent à consacrer leurs loisirs, une part grandissante de cet argent est dédiée au jeu. Une réalité économique et sociale, que nous ne pouvons ignorer, se cache derrière ce phénomène : nombre de nos concitoyens connaissent des difficultés desquelles ils ne pensent pouvoir s'extraire que par un gain miraculeux, annonciateur de jours meilleurs. J'y vois un énième indicateur de l'échec politique de nos gouvernements successifs : quand une part croissante des perspectives d'avenir de nos concitoyens repose sur le hasard, c'est que l'espoir collectif d'une société meilleure s'amenuise.

Le jeu n'est pas une activité comme une autre, pour plusieurs raisons. La première réside dans son coût social : le baromètre bien connu de l'INPES – l'Institut national de prévention et d'éducation pour la santé – indique que 40 000 personnes auraient perdu leur emploi à cause du jeu durant la période 2009-2010, avec un coût pour la collectivité de 2,6 milliards d'euros. Et d'autres coûts indirects ne sont pas quantifiés : problèmes de santé des joueurs pathologiques, dégradation générale de leurs conditions de vie, etc. Chez les joueurs, le surendettement est bien sûr fréquent : près de 80 % des joueurs jugés problématiques sont surendettés, en moyenne à hauteur de 25 000 euros.

Le pays compte désormais 200 000 joueurs excessifs et, je l'ai dit, 1 million de joueurs à risque modéré. Pourtant, je ne crois pas que ce rapport d'information fasse de la lutte contre l'addiction au jeu sa priorité première.

Des mesures simples et concrètes pourraient pourtant être prises rapidement. Je pense par exemple à la limitation voire à l'interdiction de la publicité pour les jeux d'argent ou de hasard. La télévision, internet, les journaux, les rues et les couloirs du métro débordent de ces publicités ; nous devons y mettre fin. Non, monsieur le ministre, il n'est pas normal que tant de joueurs de foot, pourtant bien rémunérés, ou je ne sais quels animateurs sportifs, s'affichent régulièrement dans les couloirs du métro dans des publicités invitant nos concitoyens à jouer, au profit de sociétés souvent domiciliées là où elles peuvent bénéficier d'exonérations fiscales. Tout cela est honteux et devrait être tout simplement interdit ! Les coupables se reconnaîtront.

L'identification des joueurs, destinée à protéger les mineurs, permettrait en outre d'alerter plus rapidement sur les conduites à risque.

Le second facteur qui fait du jeu une activité commerciale à part – comme cela a été évoqué, mais je veux y revenir – est qu'il comporte un risque dans la mesure où il constitue un moyen de blanchir de l'argent et de favoriser la fraude fiscale. Si des mesures existent pour s'en prémunir, encore faudrait-il se donner les moyens de les mettre en oeuvre. Un exemple : lorsqu'un joueur gagne 1 000 euros au casino, l'établissement peut lui remettre un document qui rend légale la détention de cet argent. Mais si, pour gagner ces 1 000 euros, ce joueur a dépensé 900 d'argent sale, il aura à la fois réussi à blanchir ses 900 euros et à dégager un gain de 100 euros, le tout étant exonéré d'impôt sur le revenu. Pour en justifier, il lui suffira de dire qu'il n'a glissé qu'1 euro dans la machine et qu'il en a gagné 1 000, qu'il possède désormais légalement.

Le Service central des courses et des jeux souhaite que la délivrance de ces attestations de gain par les casinos soit proscrite, sauf si elles indiquent la somme que le joueur a dépensée avant de toucher son gain. Dans ce cas, en effet, l'argent que le joueur a sur lui à son arrivée au casino ne serait pas blanchi puisqu'il ne serait plus considéré comme faisant partie de son gain. Suivez-vous mon raisonnement, mes chers collègues ?

Au lieu d'apporter son soutien à cette mesure, le rapport d'information de 2017 se dit défavorable à ce que l'on exige des casinos « le même degré de complétude et de fiabilité des informations sur leurs relations d'affaires que celui qu'on est en droit d'attendre des banques ». Circulez, il n'y a rien à voir ! Voilà un manque flagrant, pour ne pas dire coupable, de détermination à lutter contre la fraude fiscale et contre le blanchiment d'argent ; ce n'est pas acceptable.

Je termine par la question de la fiscalité appliquée aux jeux en ligne. Le rapport va dans le sens des opérateurs de jeu, qui regrettent une fiscalité trop lourde, « calculée sur une assiette qui n'est pas pertinente ».

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