Intervention de Nicole Belloubet

Séance en hémicycle du mardi 6 février 2018 à 21h30
Protection des données personnelles — Discussion générale

Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice :

Nous ne sommes donc pas en retard, la nécessité étant de disposer d'un texte en mai. Quoi qu'il en soit, je vous remercie, monsieur le député, pour votre propos sur le modèle français qui a permis de construire le modèle européen. Je pense comme vous qu'il est nécessaire d'en exclure la marchandisation. Je m'engage également sur ce point, comme sur l'accompagnement des PME, auquel vous avez fait allusion.

Monsieur Latombe, à l'aide d'exemples très concrets, vous avez évoqué l'approche pragmatique de ce texte pouvant paraître conceptuel et abstrait, et ce qu'il apporterait en matière de protection des données personnelles. Je pense comme vous que la force du projet de loi vient de son ancrage européen. Dans ce domaine, il n'y a pas vraiment de frontières, tant celles-ci sont difficiles à tracer. Il était essentiel de donner à ce travail une assise européenne.

Vous avez également formulé des propositions sur l'action de groupe. Nous aurons l'occasion d'en reparler lors de nos débats. Je ne préjuge pas de leur contenu ni des amendements qui seront défendus.

Madame Untermaier, je pense comme vous que passer à un système responsable est un véritable pari, pour reprendre votre mot. Il s'agit en effet d'inverser les pratiques connues jusqu'à présent et de responsabiliser les acteurs. Les acteurs publics devront mettre l'ensemble des entreprises en capacité de gérer de nouvelles informations, et la CNIL faire face à une nouvelle forme de travail et de réactivité. Je partage évidemment votre approche.

Vous craignez que le texte ne comporte des oublis. Vous faites notamment allusion aux nécessaires explications des algorithmes. Nous aurons l'occasion d'y revenir. Vous êtes très attachée à un mécanisme de transparence ab initio de ces algorithmes. Notre système s'organise plutôt autour des garanties qu'il convient de leur apporter. Nous en reparlerons au cours du débat.

À partir de l'expérience précise de la start-up Cardiologs, M. Villani a évoqué la nécessité d'être à la fois protecteur et efficace. Telle est l'optique du Gouvernement qui, dans ce texte, a pour ambition de protéger sans retarder.

Par ailleurs, M. Villani souligne qu'on ne peut pas aller trop loin dans l'encadrement sans prendre le risque d'affaiblir entreprises ou chercheurs. Le Gouvernement a précisément choisi de ne pas surtransposer, de ne pas brider certains mécanismes, ce qui me semble très important.

Mme de la Raudière a souligné que la CNIL doit être tolérante et compréhensive avec ceux qu'elle nomme les « petits », et qu'il est important que nous attachions de l'intérêt au nouveau travail que nous allons demander notamment aux petites et moyennes entreprises. C'est aussi notre conception et notre philosophie.

Mme de la Raudière a également souligné, comme d'autres orateurs, qu'il faut travailler sur le consentement : chaque personne doit pouvoir accorder un consentement éclairé sur l'utilisation de ses données personnelles. Je lui donne raison sur ce point. Je redis ce que j'ai indiqué précédemment : le consentement est un sujet qui est source de préoccupations et qui doit être défini clairement. Chacun doit pouvoir mesurer ce à quoi il consent. Le RGPD propose une définition, que nous préciserons peut-être grâce à l'action de la rapporteure.

Madame Constance Le Grip, vous avez rappelé que vous avez déjà voté ce texte au Parlement européen. À ce titre, vous avez assisté à la naissance du RGPD, connu son progrès et son déploiement. Je pense, comme vous le souligniez, qu'il est essentiel de ne pas créer de frein pour les entreprises. Je réaffirme que nous sommes attentifs à la communication, à la mission d'appui de la CNIL. C'est dans cet équilibre du texte entre la protection des données et la nécessaire impulsion, l'indispensable créativité, que nous trouverons la meilleure utilisation de ce texte.

Mme Le Pen a évoqué plusieurs sujets, notamment des questions liées à la souveraineté et au pouvoir donné à des autorités de contrôle étrangères. Je rappelle à ce sujet que la CNIL joue un rôle tout à fait essentiel et que rien, évidemment, ne pourra se faire sans elle. C'est bien la coopération entre toutes les autorités qui fera la force du travail que nous aurons à conduire ensemble.

M. Vuilletet a évoqué le sens politique du texte, en rappelant la nécessité de convaincre les citoyens que cette loi va les protéger, ce en quoi nous sommes d'accord. Il a également souhaité que l'on revienne sur l'âge à partir duquel on peut donner son consentement, soit quinze ans ; nous en reparlerons dans le cours du débat. De même pour ce qui est de la nécessité d'élargir le cadre de l'action de groupe, plusieurs amendements nous permettront d'en débattre.

Monsieur Bothorel, vous avez fait part de votre accord sur la philosophie générale du texte, en faisant valoir qu'il s'agissait à la fois d'un projet de loi d'équilibre et d'un texte qui offrait un avantage de compétitivité à l'Europe. Je crois qu'il est tout à fait essentiel de le souligner. Vous avez souhaité que, s'agissant du consentement de l'utilisateur, nous exercions une grande vigilance : ce consentement, avez-vous dit, ne doit être « ni présumé, ni induit ». Nous aurons un débat sur tous ces sujets. Vous nous avez rappelé votre implication pour préserver les droits des Européens, notamment face aux grands groupes. À cet égard, il faut saluer la philosophie d'ensemble de ce texte et aller plus loin si nécessaire. Il importe que nous y travaillions, ce qui suppose aussi de bien cerner les enjeux juridiques et économiques au plan européen.

L'ensemble des observations qui ont été faites par les députés me paraissent extrêmement précieuses pour le débat que nous allons tenir et augurent d'échanges sereins, précis et argumentés.

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