Intervention de Éric Poulliat

Séance en hémicycle du jeudi 1er février 2018 à 21h30
Récépissé de contrôle d'identité — Motion de rejet préalable

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaÉric Poulliat :

Il faut cependant leur donner une chance avant de prendre toute autre initiative.

Vous évoquez, à propos d'expérimentations, l'Espagne et la Grande-Bretagne. Or il semble que le nombre de contrôles ait doublé en Grande-Bretagne depuis 2001. Je vous accorde qu'ils sont devenus beaucoup plus efficaces, mais cela n'a aucun effet sur le profilage racial : à Londres, un noir a toujours 4,5 fois plus de chances de se faire contrôler qu'un blanc – c'est Stéphane Troussel, le président du conseil départemental de Seine-Saint-Denis, qui le déclarait sur Europe 1 il y a quelques mois. En Espagne, les retours d'expérimentation montrent également que le temps consacré par les policiers à cette procédure est un véritable frein à son élargissement. Le bilan, on le voit, est donc très mitigé.

En conclusion, cette proposition de loi remet sur la table un problème récurrent mais lui apporte une ancienne fausse bonne réponse, une vielle réponse à un vieux débat, à un moment inopportun, avec des arguments discutables.

Ce n'est pas en contrôlant les contrôleurs que nous allons sortir de la logique de défiance entre les forces de l'ordre et les citoyens. L'introduction du récépissé ne permettra pas de changer cette situation car elle ne fait que changer la cible de la suspicion. Le groupe La France insoumise souhaite que la suspicion change de camp : ce n'est plus la personne contrôlée qui est suspecte, mais c'est le policier qui le devient. Il est évident que l'introduction d'un récépissé, surtout dans cet esprit, ne peut pas être bien reçue par nos forces de l'ordre, qui y voient une remise en cause de leur travail. Vous comprendrez qu'au lieu de rétablir la confiance là où elle a été brisée, vous ne faites là qu'accroître la défiance.

Nous devons sortir de la logique de contrôle et donner une réponse plus profonde. Nous devons sortir de la culture du contrôle d'identité comme moyen d'affirmation de l'autorité policière. Il vaut mieux miser sur le recrutement et la formation, d'une part, et sur des modes d'action plus adaptés et plus mobiles, d'autre part, que sur l'introduction d'une énième procédure administrative qui ne fait qu'alourdir le travail de nos forces de l'ordre.

La police de sécurité du quotidien permettra de sortir de la logique des contrôles d'identité systématiques et de retisser le lien avec la population, notamment dans les quartiers sensibles. Notre défi commun, pour les années à venir, est de retisser la confiance, d'apaiser les relations et de continuer à garantir les libertés individuelles. C'est parce qu'on se sent protégé qu'on se sent libre. Or l'introduction d'un récépissé ne va pas dans ce sens.

Pour toutes ces raisons, je vous appelle, mes chers collègues, à voter la motion de rejet préalable de la proposition de loi présentée par le groupe La France insoumise relative à la mise en place d'un récépissé dans le cadre d'un contrôle d'identité.

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