Intervention de Laurence Vichnievsky

Séance en hémicycle du jeudi 1er février 2018 à 15h00
Récépissé de contrôle d'identité — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaLaurence Vichnievsky :

Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, dans l'exposé des motifs, les auteurs de la proposition de loi se fixent comme objectif, je cite, « de renforcer la confiance accordée par les Français envers les fonctionnaires, agents de la police nationale et gardiens de la paix ».

Je veux les rassurer. Ce souci de renforcer la confiance des Français en leur police part sans doute d'un bon sentiment, mais le baromètre de la confiance politique du très sérieux CEVIPOF, le centre de recherches politiques de Sciences Po Paris, publiée dans le Journal du dimanche, nous apprend que l'indice de confiance est déjà de 80 %. La police se classe ainsi en troisième position, juste derrière les hôpitaux et l'armée, bien loin devant les partis politiques – je me plais à le rappeler – , qui ferment la marche avec un indice de 13 % seulement.

Il peut exister, sans doute, certaines zones dans lesquelles les relations entre la population et la police sont dégradées. Ces difficultés, qu'il ne faut pas sous-estimer, appellent des solutions ponctuelles. Il n'y a pas de raison de les traiter par l'adoption d'une norme de portée générale, applicable sur l'ensemble du territoire de la République.

Le droit en vigueur, précisément l'article 78-2 du code de procédure pénale, relatif aux contrôles d'identité, n'attribue pas en la matière un pouvoir arbitraire aux policiers.

En dehors des cas où ils agissent sur instructions précises du procureur de la République, dans des lieux et pour une période de temps déterminés, les policiers ou les gendarmes ne peuvent procéder à un contrôle d'identité que dans un cadre procédural très circonscrit : à l'occasion de la commission, de la tentative ou de la préparation d'une infraction, de l'exécution d'une mesure de contrôle judiciaire, de l'application d'une peine ou encore de l'exécution d'un mandat de recherche.

La loi est précise, sa mise en oeuvre ne l'est pas moins. Lorsque le contrôle est contesté, c'est au policier de rapporter la preuve qu'il se trouvait en situation d'y procéder, plus précisément qu'il avait « des raisons plausibles de soupçonner » qu'il se trouvait dans une telle situation.

La jurisprudence se montre sur ce point très vigilante. J'ai pris connaissance des arrêts rendus par la Cour de cassation, le 9 novembre 2016, auxquels il a été fait allusion à plusieurs reprises. Ils ont été rendus sur des pourvois dirigés contre treize arrêts rendus par la cour d'appel de Paris : dans cinq affaires, l'État avait déjà été sanctionné par les juges du fond ; dans les huit autres, où la responsabilité de l'État avait été écartée, une seule décision a fait l'objet d'un arrêt de cassation, fondé sur l'existence d'une possible discrimination.

Enfin, la pratique des policiers sur le terrain – je l'ai connue pendant de nombreuses années – n'encourt pas les critiques formulées par les auteurs de la proposition de loi. Ceux-ci leur imputent des pratiques discriminatoires qui consisteraient, entre autres, en des contrôles au faciès à proximité des gares parisiennes, ou en des contrôles ciblant les 18-25 ans, voire les 17-18 ans en matière de stupéfiants.

Ce reproche m'apparaît injuste. Notre police judiciaire est amenée chaque jour, pour réaliser ses missions avec des moyens contraints, à cibler ses contrôles. En matière de toxicomanie, un jeune de 18 ans a plus de chances d'être un consommateur ou un petit revendeur, qu'une mère de famille de 50 ans ou un retraité.

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