Intervention de Stéphane Mazars

Séance en hémicycle du jeudi 1er février 2018 à 15h00
Récépissé de contrôle d'identité — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaStéphane Mazars :

La proposition de loi déposée par nos collègues de la France insoumise et visant à instaurer la délivrance d'un récépissé dans le cadre d'un contrôle d'identité aborde un sujet qui a été plusieurs fois discuté, et pour la dernière fois de manière très significative sous le quinquennat précédent.

Alors que le candidat à l'élection présidentielle François Hollande l'avait inscrit dans son programme durant sa campagne, ce dispositif n'avait finalement pas été adopté par le gouvernement Ayrault, qui reconnaissait alors ne pas vouloir « imposer un dispositif qui très vite tournerait au ridicule et serait inopérant ». À ce dispositif était alors préféré un témoignage de confiance envers nos forces de sécurité et la réaffirmation des principes d'une police républicaine, avec la rédaction d'un nouveau code de déontologie pour les forces de l'ordre.

En s'opposant encore aujourd'hui à la délivrance de ce récépissé, même à titre expérimental, notre groupe entend réaffirmer cette nécessité du lien de confiance entre nos forces de police et nos concitoyens. Nous avons la conviction qu'il serait au contraire irresponsable pour la représentation nationale de voter aujourd'hui cette loi, laissant ainsi penser que nous doutons de celles et de ceux qui ont pour mission essentielle et primordiale d'assurer au quotidien notre sécurité, dans des conditions de plus en plus difficiles.

C'est bien une société de confiance que nous voulons, et non une société de la suspicion et des lourdeurs administratives.

Bien sûr, des comportements irréguliers et répréhensibles existent. Il faut les relever, et le cas échéant les poursuivre et les sanctionner. Oui, l'État commet une faute lourde lorsque sa police réalise des contrôles d'identité discriminatoires, comme l'a indiqué la Cour de cassation dans ses arrêts du 9 novembre 2016.

Je n'entends pas non plus contester les études que vous citez dans l'exposé des motifs du texte sur le nombre de contrôles d'identité largement supérieur pour des personnes perçues comme noires ou arabes, par rapport aux individus perçus comme blancs.

Mais en quoi la délivrance d'un récépissé nous garantira-t-elle contre ces dévoiements ?

N'y a-t-il pas au contraire un risque de tension accrue entre le policier qui voudra légitimer son contrôle et celui qui brandira alors, comme un blanc-seing ou un trophée, son ou ses récépissés, en guise de contestation, d'opposition ou de refus ? Car il faut rappeler que nonobstant un ou plusieurs contrôles préalables, même dans un temps rapproché, le comportement suspect d'un individu peut toujours justifier juridiquement un énième contrôle par les forces de l'ordre.

Vous soulignez d'ailleurs vous-même dans l'exposé des motifs ne pas vouloir que le récépissé de contrôle d'identité constitue un « totem d'immunité » pour les individus, qu'ils pourraient brandir pour éviter des contrôles ultérieurs justifiés.

Nous sommes donc, monsieur Coquerel, sur ce point parfaitement en accord. Alors évitons d'écrire des règles qui pourraient devenir celles d'un jeu de provocation et accroître les tensions.

Par ailleurs, l'argument selon lequel les contrôles d'identité seraient inefficaces car ils ne donneraient lieu qu'à 5 % de poursuites est inopérant. En effet, le contrôle d'identité est opéré par nos forces de l'ordre à l'occasion notamment de leurs divers services et au gré des comportements suspects qu'ils peuvent relever. Les contrôles d'identité qui débouchent sur ces procédures sont faits à moyens constants. Il ne s'agit pas d'un service dédié et les contrôles ne sont pas toujours le but premier de la présence policière sur le terrain.

En outre, le contrôle d'identité est encadré juridiquement pour éviter qu'il ne soit effectué de manière aléatoire ou discriminatoire. Ainsi, l'article 78-2 du code de procédure pénale exige-t-il pour justifier le contrôle qu'existent « une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner » que la personne contrôlée a notamment commis ou se prépare à commettre une infraction. Lorsque le contrôle donne lieu à une procédure judiciaire, le fonctionnaire de police a l'obligation d'indiquer précisément les motifs dudit contrôle, à défaut de quoi la procédure est entachée d'irrégularité, et partant, annulée.

Au-delà de ce cadre légal qui garantit les libertés individuelles et du contrôle a posteriori du juge judiciaire, la loi relative à l'égalité et à la citoyenneté a autorisé depuis le 1er mars 2017 l'expérimentation de contrôles d'identité filmés et, ce dans vingt-trois zones de sécurité prioritaires en région parisienne, en Haute-Garonne et dans les Alpes-Maritimes. Les policiers et gendarmes sont ainsi équipés de caméras-piétons activées au moment du contrôle. À notre sens, la garantie qui est ainsi offerte à nos concitoyens quant aux motifs et aux conditions des contrôles d'identité est largement supérieure à celle que procure la délivrance d'un récépissé que vous proposez. Il importe aujourd'hui d'attendre le bilan de cette expérimentation pour envisager, le cas échéant, une généralisation du dispositif sur l'ensemble du territoire.

Enfin, il faut rappeler l'expérimentation au cours des prochaines semaines de la police de sécurité du quotidien qui doit permettre de conforter encore la proximité et la confiance entre nos forces de l'ordre et nos concitoyens.

C'est la raison pour laquelle le groupe La République en marche ne votera pas cette proposition de loi

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