Intervention de Jacqueline Gourault

Séance en hémicycle du jeudi 1er février 2018 à 15h00
Récépissé de contrôle d'identité — Présentation

Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre d'état, ministre de l'intérieur :

En effet, il définit précisément les circonstances dans lesquelles un contrôle d'identité peut être réalisé. Tout contrôle d'identité opéré hors du cadre ainsi défini serait dépourvu de fondement légal. En outre, le recours à une telle mesure doit d'ores et déjà être fondé sur des raisons objectives liés à la prévention d'atteintes graves à la sécurité des personnes et des biens ou à la recherche d'infractions et l'identification de leurs auteurs. Les forces de l'ordre doivent donc objectiver les raisons qui déclenchent le contrôle.

Ces prescriptions sont conformes à une jurisprudence déjà ancienne du Conseil constitutionnel, datant de 1993, qui précise que la mise en oeuvre des contrôles d'identité « doit s'opérer en se fondant exclusivement sur des critères objectifs et en excluant, dans le strict respect des principes et règles de valeur constitutionnelle, toute discrimination de quelque nature qu'elle soit entre les personnes ». Comme je le rappelais à l'instant, il incombe au juge de veiller au respect de ces prescriptions et de censurer les illégalités constatées.

En outre, la notion de « raisons plausibles de soupçonner », retenue par l'article 78-2 du code de procédure pénale, est bien connue des services de police. Ainsi, l'article 62-2 du même code relatif au placement en garde à vue y fait expressément référence.

Le recours à une telle mesure, comme au contrôle d'identité, doit nécessairement reposer sur des raisons objectives individualisées et précisément circonstanciées. Les juridictions exercent donc un contrôle vigilant sur l'application des textes en la matière et n'hésitent pas à retenir la responsabilité de l'État au cas où des contrôles infondés ou motivés par des motifs discriminatoires seraient opérés.

S'agissant de l'article 2 du texte, il prévoit la mise en oeuvre, à titre expérimental et pour une durée maximale d'un an, dans les communes qui en font la demande, de l'établissement d'un récépissé pour tout contrôle d'identité prévu à l'article 78-2 du code de procédure pénale.

Sur le plan de la méthode juridique, j'émets des doutes sur la constitutionnalité d'une telle disposition qui, portant sur des prérogatives relevant de la responsabilité de l'État et engageant des droits et libertés protégés par la Constitution, laisserait aux communes le pouvoir de décider qu'un contrôle d'identité donne lieu à délivrance d'un récépissé sur leur territoire.

Sur le fond, l'établissement de la pratique du récépissé, même à titre expérimental, constitue une proposition récurrente dont le but explicite est de limiter le nombre de contrôles d'identité dont une même personne peut faire l'objet au cours d'une période brève, afin d'éviter que celui-ci n'ait un caractère discriminatoire.

Le Gouvernement n'est pas favorable à la mise en place d'une telle expérimentation pour plusieurs raisons. Si la remise d'un récépissé permet la traçabilité des contrôles d'identité opérés, il ne suffit pas à en démontrer le caractère discriminatoire. Produire des récépissés ne permettra pas au requérant d'établir le caractère discriminatoire des contrôles d'identité dont il a fait l'objet.

En outre, la rédaction proposée ne facilite pas l'établissement de la traçabilité des contrôles, dans la mesure où le document remis à l'intéressé est censé prévoir des modalités de garantie de l'anonymat des personnes contrôlées. Dès lors, la question se pose de savoir comment lever cet anonymat pour, le cas échéant, produire les documents devant une juridiction et établir que la personne requérante est bien celle qui a fait l'objet du contrôle.

La seule solution permettant de disposer d'un bilan exhaustif des contrôles d'identité consisterait à créer une base de données nationale dans laquelle seraient enregistrés l'ensemble des contrôles d'identité ainsi que l'identité des agents ayant procédé au contrôle et celle des personnes contrôlées. On conçoit les difficultés que soulèverait la constitution d'une telle base de données, tant en matière de protection de la vie privée que de temps passé par les forces de l'ordre à la renseigner. De surcroît, la constitutionnalité d'un tel traitement me semble sujette à caution.

Par ailleurs, l'établissement d'un récépissé est de nature à allonger substantiellement la durée des contrôles d'identité, alourdir la tâche des fonctionnaires et limiter le nombre de contrôles d'identité susceptibles d'être mis en oeuvre. À l'heure où le ministère développe l'usage des tablettes électroniques par les membres des forces de l'ordre, vous conviendrez, mesdames, messieurs les députés, que doter chaque policier et chaque gendarme d'un carnet à souche permettant de remettre des récépissés ne constitue pas un signe de franche modernité !

En outre, la mise en oeuvre du récépissé ne saurait interdire aux membres des forces de l'ordre, pour d'évidentes raisons de sécurité publique, de contrôler à nouveau une personne ayant déjà fait l'objet d'un contrôle, même peu de temps auparavant.

Je rappelle par ailleurs que l'article 211 de la loi du 27 janvier 2017 relative à l'égalité et à la citoyenneté prévoit l'usage, à titre expérimental, d'un dispositif de caméras mobiles lors de chaque contrôle d'identité réalisé en application de l'article 78-2 du code de procédure pénale, dans des zones de sécurité prioritaire définies par décret et réparties dans une vingtaine de départements.

Selon l'article L. 241-1 du code de la sécurité intérieure, l'usage de caméras mobiles par les forces de police et de gendarmerie, dans l'exercice de leur mission de prévention des atteintes à l'ordre public et de protection de la sécurité des personnes comme de police judiciaire, permet de procéder en tous lieux à un enregistrement audiovisuel de leurs interventions.

Ces enregistrements, qui ont pour finalité de prévenir des incidents en cours d'intervention, de permettre le constat des infractions et la poursuite de leurs auteurs par la collecte de preuve et de garantir le respect par les agents et militaires des obligations qui leur incombent, sont de nature à dissuader les éventuels contrôles abusifs.

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