Intervention de Raphaël Schellenberger

Séance en hémicycle du jeudi 1er février 2018 à 15h00
Accès à l'eau — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaRaphaël Schellenberger :

Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur, chers collègues, nous sommes aujourd'hui saisis d'une proposition de loi constitutionnelle sur une thématique particulièrement présente dans la vie de nos territoires et de leurs habitants : la gestion de l'eau. C'est la deuxième fois cette semaine que nous examinons un texte sur le sujet. Il nous est proposé d'inscrire dans la Constitution, au travers d'une modification de la Charte de l'environnement, le « droit fondamental et inaliénable d'accéder, gratuitement, à la quantité d'eau potable indispensable à la vie et à la dignité ».

Il ne s'agit évidemment pas ici de contester l'objectif d'accès à l'eau, que nous partageons tous. Il s'agit, en revanche, de déterminer si le dispositif qui nous est proposé est nécessaire, et s'il est le mieux à même d'atteindre l'objectif ainsi fixé. Une loi constitutionnelle sur un thème aussi central peut-elle être réellement opérationnelle ?

La première question qu'il convient de poser porte sur la pertinence d'une modification de la Charte de l'environnement à travers une proposition de loi constitutionnelle. Toute modification à notre loi fondamentale doit être apportée avec la plus grande prudence. Notre Constitution, norme juridique suprême de la République qui fixe un cadre et des principes fondamentaux, appelle naturellement à une vigilance et une exigence particulières, lorsqu'il est proposé de l'amender. C'est précisément cette vigilance et cette exigence qui sont de mise aujourd'hui, dans le cadre du texte soumis à notre examen.

La Constitution fixe un cadre général. Il ne s'agit pas d'un texte opérationnel. L'ensemble des modalités d'application des droits qu'elle fixe doit ensuite relever de normes et de textes plus spécifiques. Le droit d'accès à l'eau mentionné dans la proposition de loi constitutionnelle relève-t-il plutôt du champ constitutionnel ou bien d'un texte plus opérationnel ?

Notons, à cet égard, qu'un texte plus opérationnel existe déjà, puisque l'article L. 210-1 du code de l'environnement, tel que modifié par la loi du 30 décembre 2006 sur l'eau et les milieux aquatiques, consacre déjà un droit à l'eau. En effet, la loi comporte la disposition suivante, parfaitement claire et intelligible : « L'eau fait partie du patrimoine commun de la nation. Sa protection, sa mise en valeur et le développement de la ressource utilisable, dans le respect des équilibres naturels, sont d'intérêt général. Dans le cadre des lois et règlements ainsi que des droits antérieurement établis, l'usage de l'eau appartient à tous et chaque personne physique, pour son alimentation et son hygiène, a le droit d'accéder à l'eau potable dans des conditions économiquement acceptables par tous ».

Le droit d'accès à l'eau étant déjà inscrit dans notre droit, il ne semble pas nécessaire de le constitutionnaliser. La loi est déjà bien souvent mal écrite : il est de notre responsabilité d'éviter les textes superfétatoires. Par conséquent, la prudence nécessaire due au caractère exceptionnel que revêt une modification de la Constitution devrait conduire à rejeter cette proposition de loi constitutionnelle.

Au-delà de l'inscription dans la Constitution d'un droit d'accès à l'eau, vous souhaitez également que soit défini dans la loi fondamentale le moyen de cet accès. Vous précisez ainsi que : « L'approvisionnement en eau potable des habitants, et son assainissement, sont assurés exclusivement par l'État ou les collectivités territoriales, directement et de façon non lucrative ».

Je le répète, notre Constitution ne nous semble pas le texte adéquat pour définir la manière dont l'approvisionnement en eau potable et l'assainissement doivent être gérés par les collectivités qui en ont la responsabilité. La gratuité de l'eau que vous proposez d'inscrire dans la Constitution ne nous semble pas relever non plus du bloc de constitutionnalité. Si le débat relatif à l'instauration d'une tarification progressive de l'eau peut être ouvert, il convient, là aussi, de se poser la question de la pertinence du véhicule législatif choisi. La Constitution peut être modifiée – nous n'y sommes évidemment pas opposés par principe – , mais seules des conditions particulières, que ne remplit pas le présent texte, peuvent y conduire.

En outre, le texte de votre proposition de loi nous amène à nous poser une deuxième question : l'État est-il nécessairement le meilleur gestionnaire en matière d'eau potable et d'assainissement ?

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