Intervention de Hervé Saulignac

Séance en hémicycle du mercredi 31 janvier 2018 à 15h00
Sureté et sécurité des installations nucléaires — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaHervé Saulignac :

Monsieur le président, madame la présidente et rapporteure de la commission, mes chers collègues, le 28 novembre dernier, un groupe de militants de l'association Greenpeace pénétrait dans la centrale nucléaire de Cruas-Meysse en Ardèche, quelques semaines seulement après une intrusion du même type à Cattenom. Le même jour, dans cet hémicycle, j'interrogeais M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur sur les failles de sécurité dans les centrales, tout en lui indiquant que mon groupe souhaitait la création d'une commission d'enquête sur la sécurité de nos sites nucléaires. M. le ministre d'État a balayé cette proposition d'un revers de main, rétorquant, en substance, qu'il n'y avait « pas de sujet », mais c'était compter sans mes collègues de la majorité, qui ont visiblement partagé notre analyse. Je les remercie d'avoir rendu possible la création de cette commission d'enquête, qui va traiter de la question de la sûreté et de celle de la sécurité, sans jamais les confondre, même si elles sont parfois liées – j'y reviendrai. Vous avez donc compris, madame la rapporteure, que nous soutiendrons ce que nous avons nous-mêmes souhaité.

Nos concitoyens ont accordé pendant des années un niveau de confiance élevé à la puissance publique, qui est chargée d'assurer la sûreté et la sécurité des centrales. Mais tout porte à croire que ceux qui n'ont pas confiance dans la sécurité de nos centrales nucléaires sont désormais majoritaires dans notre pays. Cette triste et préoccupante réalité doit nous interpeller. Elle nous oblige collectivement : notre responsabilité est de reconstruire cette confiance, inévitablement mise à mal lorsque vingt-deux militants pénètrent en moins de dix minutes dans un site nucléaire.

Ces opérations médiatiques, qui interpellent l'opinion, font suite au travail que Greenpeace a mené pendant dix-huit mois avec des experts internationaux sur la protection de notre parc nucléaire face au risque terroriste. Ainsi, sept experts des questions nucléaires et du terrorisme mandatés par l'ONG ont produit différents scénarios d'attaque sur nos dix-neuf centrales nucléaires. Les conclusions de leur rapport sont inquiétantes, voire alarmistes ; nous ne pouvons pas les ignorer. Que nous apprend ce rapport ? Que nous connaissons un déficit historique en matière de protection de nos installations, notamment des piscines de refroidissement, et que la prise en compte du risque terroriste n'est pas, en 2018, à la mesure de sa réalité – il a atteint un niveau sans précédent dans notre histoire. Le rapport pointe également des failles dans la coordination des acteurs impliqués dans la sécurité nucléaire.

Il est aujourd'hui admis que les piscines d'entreposage des combustibles usés constituent le talon d'Achille du parc nucléaire. Les soixante-deux piscines réparties sur le territoire national n'ont pas été traitées, lors de leur construction, comme l'ont été les bâtiments des réacteurs. Elles sont bien moins protégées et donc particulièrement vulnérables – on voit bien que sûreté et sécurité sont parfois liées. Si l'une d'elles était endommagée par une attaque terroriste, la diminution du niveau de l'eau pourrait entraîner en quelques heures de graves rejets radioactifs. Nul doute qu'une organisation criminelle, voire un individu isolé, est à même de développer une capacité de malveillance à laquelle les mesures de sécurité conventionnelles ne permettraient pas de faire face.

Aujourd'hui, le principe de précaution est en question pour les agents et pour la population. Quelle confiance peut-on accorder à la parole publique lorsqu'elle assène que la sécurité est assurée sur nos sites nucléaires alors qu'une association peut y pénétrer avec une facilité déconcertante autant de fois qu'elle le souhaite ? Les failles sécuritaires doivent être connues et évaluées ; les mesures qui s'imposent doivent être prises. Car aucun de nos concitoyens n'admettra le mensonge, aucun n'admettra que son intégrité physique et celle de ses enfants soient sacrifiées sur l'autel d'une quelconque raison.

La France a choisi de mettre le nucléaire au coeur de sa politique énergétique. L'État doit l'assumer en commençant par garantir la sûreté et la sécurité des installations, de manière coordonnée avec l'exploitant, sans que l'un puisse se défausser sur l'autre.

L'autre volet de cette commission d'enquête sera la sûreté. Celle-ci est globalement bien assurée par EDF, et je salue le travail de ses agents. Elle n'en reste pas moins un sujet majeur alors que l'échéance pour la diminution de la part du nucléaire dans la production électrique française, initialement fixée à 2025, vient d'être reportée. Je ne saurais trop conseiller à l'électricien français et au ministre Nicolas Hulot d'échanger leurs agendas respectifs ! S'il s'agit de prolonger la durée de vie des centrales le plus longtemps possible, comme vient de l'annoncer le directeur du parc nucléaire français d'EDF, alors cette commission d'enquête prend tout son sens, ne serait-ce que pour rappeler que les tergiversations sur le calendrier portent atteinte à la crédibilité de la parole publique.

Pour conclure, je souligne que cette commission d'enquête aura une lourde responsabilité : elle devra travailler dans la sérénité et la transparence, …

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