Intervention de Raphaël Schellenberger

Séance en hémicycle du mercredi 31 janvier 2018 à 15h00
Sureté et sécurité des installations nucléaires — Motion de renvoi en commission

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaRaphaël Schellenberger :

Monsieur le président, madame la rapporteure, chers collègues, la proposition de résolution soumise aujourd'hui à notre examen soulève plusieurs interrogations profondes, qui motivent la présente motion de renvoi en commission déposée par le groupe Les Républicains.

Nous sommes naturellement favorables, par principe, à la constitution de commissions d'enquête parlementaires, qui permettent utilement à la représentation nationale de se saisir de sujets particuliers pour lesquels des auditions, des travaux et des recherches méritent d'être menés indépendamment du calendrier législatif qui est celui de notre assemblée.

Mais pour cela, il convient de respecter les règles en vigueur et, en la matière, l'article 139 de notre règlement, que je me permets de citer pour poser les bases de nos échanges : « 1. Le dépôt d'une proposition de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête est notifié par le Président de l'Assemblée au garde des sceaux, ministre de la justice.

« 2. Si le garde des sceaux fait connaître que des poursuites judiciaires sont en cours sur les faits ayant motivé le dépôt de la proposition, celle-ci ne peut être mise en discussion.

« 3. Si la discussion est déjà commencée, elle est immédiatement interrompue. Lorsqu'une information judiciaire est ouverte après la création de la commission, le Président de l'Assemblée, saisi par le garde des sceaux, en informe le président de la commission. Celle-ci met immédiatement fin à ses travaux. »

Permettez-moi d'insister sur l'alinéa 2 de cet article : « Si le garde des sceaux fait connaître que des poursuites judiciaires sont en cours sur les faits ayant motivé le dépôt de la proposition, celle-ci ne peut être mise en discussion ». L'article 139 du règlement de l'Assemblée nationale dispose donc que, lorsque ces faits font l'objet de poursuites judiciaires, la commission d'enquête en question ne peut pas être constituée. Or Mme la ministre de la justice, garde des sceaux, a informé M. le président de l'Assemblée nationale, par des courriers datés des 12 et 23 janvier derniers, que plusieurs procédures étaient « actuellement en cours dans plusieurs juridictions » sur la thématique couverte par la présente proposition de résolution. Sont ainsi concernées les centrales nucléaires de Flamanville, Civaux, Fessenheim, Cattenom et Cruas-Meysse.

Là encore, je cite, tant les faits parlent d'eux-mêmes. Mme la ministre de justice précise ainsi : « Une procédure judiciaire est actuellement en cours à la suite d'une explosion ayant eu lieu au sein de la centrale nucléaire de Flamanville et ayant fait quatre blessés. » Elle ajoute : « Une information judiciaire est également diligentée des chefs de non déclaration immédiate d'incident ou d'accident par personne exploitant une installation nucléaire de base et d'exploitation d'installation nucléaire de base en méconnaissance d'une décision individuelle de l'autorité de sûreté nucléaire et en violation de règles techniques générales s'agissant de la centrale nucléaire de Civaux. » « Enfin, le Pôle de santé publique du parquet de Paris a été saisi de plaintes concernant le fonctionnement de la centrale de Fessenheim. » Dans son courrier suivant, elle ajoutait : « des poursuites judiciaires sont actuellement engagées, dans deux procédures distinctes, à l'encontre de militants d'une part, et de la personne morale Greenpeace France d'autre part, pour s'être introduits sur le site nucléaire de Cattenom en octobre 2017 et dans la centrale nucléaire de Cruas-Meysse en novembre 2017. Les faits sont poursuivis dans les deux procédures des chefs d'intrusion en réunion et avec dégradations dans l'enceinte d'une installation civile abritant des matières nucléaires au visa des articles L. 1333-13-12 et L. 1333-13-14 du code de la défense. »

Pourtant, madame la rapporteure, l'exposé des motifs de cette proposition de résolution est explicite et définit clairement les incursions de Greenpeace dans les centrales de Cattenom et de Cruas-Meysse comme les événements déclencheurs de la saisine, par la représentation nationale, des questions de sûreté et de sécurité des installations, et donc de la création de cette commission d'enquête. Ces deux incursions font pourtant l'objet d'une procédure judiciaire en cours, après le dépôt d'une plainte par EDF contre leurs auteurs, et le jugement en première instance est attendu d'ici à un mois.

Ainsi, au regard de l'article 139 de notre règlement et des éléments fournis par Mme la garde des sceaux, il semble évident qu'il convient de redéfinir le cadre de cette proposition de résolution, et donc de la commission d'enquête qu'elle entend créer. Même le président de notre assemblée a reconnu hier, en conférence des présidents, qu'il y avait ici une entorse à l'article 139 du règlement, avant d'ajouter qu'il ne fallait toutefois pas faire une interprétation littérale de cet article 139.

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