Intervention de Olivier Falorni

Séance en hémicycle du mercredi 23 février 2022 à 15h00
Certification européenne du sel biologique — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaOlivier Falorni :

Je vous remercie, monsieur le président. Rendez-vous samedi !

Au nord de l'île de Ré, mes chers collègues, entre La Couarde-sur-Mer, Loix et Ars-en-Ré, on récolte « l'or blanc ». Chez nous, pas besoin de forage ni même de mine : le sel se récolte à la main et en plein air, et ce depuis plus d'un millénaire. Cette méthode fait la richesse de notre terroir et façonne ses paysages.

Ailleurs, la méthode est différente. Dans les mines de sel, à quelques centaines de mètres sous la terre, de l'eau sous pression est envoyée dans la roche ; la solution de saumure est ensuite pompée à la surface, où le sel est récolté. Les différences sont évidentes : d'un côté, nous avons affaire à un savoir-faire ancestral et à des producteurs qui se distinguent par un travail manuel ne générant aucune émission de CO2 ; de l'autre, à un processus énergivore, qui utilise en outre d'importantes quantités d'eau.

Bien sûr, il ne s'agit pas de condamner un processus de production au profit d'un autre. Ce que je souhaite – ce que nous souhaitons –, c'est que soient reconnues les spécificités de la saliculture traditionnelle. Aujourd'hui, la Commission européenne nous refuse ce droit. Le règlement (UE) 2018/848 du Parlement européen et du Conseil du 30 mai 2018, relatif à la production biologique et à l'étiquetage des produits biologiques, vise à mettre ces deux modes de production sur un pied d'égalité. Il accorde l'éligibilité et le bénéfice de la certification biologique à la quasi-totalité des méthodes de production de sel existant aujourd'hui.

Ainsi, le sel de mine, tout comme les sels de mer lessivés produits industriellement, pourront être considérés comme biologiques, sans qu'aucune distinction ne soit établie par rapport aux sels du terroir. Pour nos consommateurs, qui assimilent la labellisation à un produit de qualité, respectueux de l'environnement, une telle étiquette sera donc trompeuse. Lorsqu'ils auront le choix, dans un rayon, entre un sel industriel dit « bio » et un sel naturel bio, il y a fort à parier qu'ils prendront le moins cher, et ce ne sera pas celui du petit producteur local ! Alors, comment voulez-vous que les sels de l'Atlantique, récoltés naturellement à Guérande, à Noirmoutier ou sur l'île de Ré, soient compétitifs face aux géants industriels ? Les 25 000 tonnes de sel que produisent nos sauniers chaque année représentent à peine 0,4 % de la production française.

Je considère que seule la méthode de production de sel solaire a les caractéristiques d'une production agricole biologique ; à ce titre, elle seule mérite d'être éligible à cette certification, d'autant que seule la filière salicole artisanale bénéficie désormais, depuis la promulgation de la loi pour la protection foncière des activités agricoles et des cultures marines en zone littorale, du statut d'activité agricole.

Voilà une preuve de plus de sa spécificité par rapport aux autres productions de sel qui, elles, restent considérées comme des productions minières. C'était l'un de mes combats – j'avais d'ailleurs déposé en 2017 une proposition de loi visant à reconnaître la saliculture comme activité agricole ; je me réjouis qu'il ait abouti au cours de ce quinquennat et que l'on reconnaisse enfin le rôle des sauniers, qui est celui de véritables paysans de la mer.

J'ajoute qu'accorder la certification biologique aux seuls sels marins, c'est aller au-delà de la simple question environnementale : c'est reconnaître que certaines pratiques, certains métiers sont issus d'un savoir-faire ancestral ; c'est honorer une profession séculaire qui participe de notre patrimoine culturel ; c'est aussi – et surtout – reconnaître une histoire et une culture locales. La crainte de les voir disparaître devrait aujourd'hui – et c'est le cas – guider nos actions. À Ré, nos marais salants font partie intégrante du paysage. Ils ont contribué à façonner la faune et la flore, et nous nous souvenons tous avec émotion des craintes que nous nourrissions lorsque leur activité, déclinante, risquait de disparaître. Pour nous, préserver la saliculture, c'est aussi préserver cet environnement si particulier.

C'est pourquoi, étant convaincu que l'exploitation artisanale salicole sur nos façades maritimes est seule légitime à obtenir une labellisation biologique, j'invite à mon tour le Gouvernement à défendre nos terroirs auprès du Conseil de l'Union européenne. Je voterai donc résolument en faveur de cette excellente proposition de résolution.

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