Intervention de Dominique Potier

Séance en hémicycle du mercredi 23 février 2022 à 15h00
Certification européenne du sel biologique — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDominique Potier :

Monsieur le président, je salue votre humour.

Chère Frédérique Tuffnell, vous nous posez une bonne question. Au nom du groupe Socialistes et apparentés, je vous propose d'y répondre par le cheminement qui suit. Pour vous faire plaisir, par amitié, par facilité, on pourrait dire oui, sans condition, à votre proposition de résolution. Mon groupe va la voter, mais je vais d'abord vous faire part de nos questionnements face aux enjeux que vous soulevez.

Vous dites qu'il faut distinguer le sel organique et le sel minéral ; qu'il y a des process qui relèvent de l'artisanat et de la tradition, quand d'autres reposent sur des méthodes extractives condamnables. Le label relatif à l'agriculture et aux produits biologiques – que nous connaissons bien, avec Thierry Benoit et tous ceux qui sont passionnés par les questions agricoles – ne fait pas forcément référence aux process. Il pose cinq interdits, notamment l'absence d'organismes génétiquement modifiés (OGM) ou de pesticides – nous les connaissons tous –, mais il ne traite pas des méthodes de production. Par exemple, rien n'est dit concernant la taille de la ferme ou les méthodes de récolte et de semis.

La question que vous posez, en faisant du process un élément important, est donc assez nouvelle. Dans la définition de l'agriculture biologique, ce qui est important, c'est le produit final, ses qualités organoleptiques et sanitaires intrinsèques, et l'absence de trace de tout ce que j'ai évoqué – procédés génétiques ou engrais de synthèse écartés, etc.

S'agissant du sel, ces arguments ne tiennent pas forcément. Vous posez donc une question intéressante : au-delà des qualités du produit lui-même, faut-il mettre en lumière des éléments qui ne se retrouveront pas dans le produit, mais qui procèdent d'une tradition ou d'une habitude qui serait plus vertueuse que les autres ? Méfions-nous : la certification ne peut être prétexte à défendre une forme de localisme alors qu'il s'agit de définir, à l'échelle européenne, un langage commun pour dire ce qui est bon dans différentes catégories de produits.

Chère Frédérique Tuffnell, nous allons voter cette résolution intéressante parce qu'elle nous incite à la vigilance, mais je tenais à vous faire part de nos interrogations.

Permettez-moi de vous le dire : il va falloir que le Gouvernement affine votre argumentaire s'il veut aboutir sur ce sujet, et s'il y a une part de vérité dans ce que vous défendez. Cela fait écho à d'autres sujets – Antoine Herth le sait bien. Ces derniers temps, il a été beaucoup question de la HVE, la haute valeur environnementale. Dès le début de cette législature, nous avions milité pour que la HVE devienne un levier de l'agroécologie.

Cela fait plus de trente ans – déjà paysan bio avant que ce ne soit à la mode – que je pense qu'il n'y a pas le bio d'un côté et le reste de l'autre, et qu'il faut donner un nom à la transition agroécologique et aux bonnes pratiques qui se sont développées. La haute valeur environnementale, notion inventée dans le cadre du Grenelle de l'environnement, nous semblait être un bon vecteur de cette transition : il n'y avait pas le blanc et le noir, mais une zone grise, où se déployaient des efforts louables. Mais la HVE a été conçue à l'époque du Grenelle, et n'intègre pas des données qui sont très prégnantes aujourd'hui, comme le carbone.

En début de législature, nous avons milité pour faire de la HVE le label des bonnes pratiques agroécologiques, telles que définies dans la loi d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt, votée en 2014, lorsque Stéphane Le Foll était ministre de l'agriculture.

Nous avons donc fait le pont entre le Grenelle, la loi de 2014 et la loi EGALIM – pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous –, mais, dans le même mouvement, nous avions invité le ministre de l'agriculture à engager une révision du label HVE afin que ce dernier prenne en compte de nouveaux éléments, ce qui a été entrepris avec l'Agence française de la biodiversité. J'ai déjà eu l'occasion de l'écrire dans une tribune et je l'exprime de nouveau ici : comme pour le label AB, il nous faut prendre en compte la dimension carbone. Aujourd'hui, la mode est aux labels bas-carbone ; après les labels d'origine, les labels géographiques, les labels de fabrication, on va s'y perdre !

Je souhaite que les principaux indicateurs qui se rapportent aux modes de production et aux qualités fondamentales des produits mis à la disposition de nos concitoyens soient clarifiés, qu'ils soient mis à jour, rapidement, de manière consensuelle et démocratique, en tenant compte des différentes données scientifiques.

Je rêve d'un label AB – agriculture biologique – qui distinguerait les productions issues de circuits raisonnables de celles mobilisant des transferts d'intrants sur parfois un millier de kilomètres, ce qui est totalement insensé par rapport à des productions non biologiques mais dont le bilan carbone est plus favorable. Le label AB doit comprendre une dimension bas-carbone comme une dimension sociale – de type commerce équitable ; il doit en aller de même pour le label HVE.

C'est sans doute de cette manière, en identifiant les méthodes extractrices trop consommatrices d'énergie que nous pourrons redéfinir ce qu'est le bon sel de la terre et de la mer, le sel qui donne le goût à la vie.

Tels seront mes derniers mots de la législature.

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