Intervention de Frédérique Tuffnell

Séance en hémicycle du mercredi 23 février 2022 à 15h00
Certification européenne du sel biologique — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrédérique Tuffnell :

Je suis heureuse de vous exposer les objectifs de notre proposition de résolution relative à la certification biologique européenne du sel. Ce texte défend une activité ancestrale, respectueuse de l'environnement : la récolte naturelle du sel par nos sauniers et paludiers des îles de Ré et de Noirmoutier, ou encore de Guérande, détenteurs d'un savoir-faire ancestral et écologique qui ne peut être assimilé à d'autres modes de production contraires aux objectifs vertueux dévolus aux productions dites biologiques au sens du règlement européen du 30 mai 2018 relatif à la production biologique et à l'étiquetage des produits biologiques, entré en vigueur le 1er janvier.

Au-delà de la mise en lumière d'une activité de production écologique qu'il faut valoriser, il s'agit également de s'intéresser aux consommateurs, au travers d'un enjeu essentiel : celui de la confiance que nos concitoyens devront pouvoir continuer à placer dans le label bio. Nous nous intéressons ici au quotidien des Français et des Européens ; heureusement, c'est aussi cela, la politique.

Dans ses motifs, le texte illustre pleinement ce pour quoi nous avons été élus, et je suis fière de m'engager dans cet ultime combat, au crépuscule de cette législature. Ce combat relève bien de l'exercice d'un mandat de proximité – avec les Charentais-Maritimes, que je connais bien –, de sincérité et de passion, qui m'a animée durant ces cinq dernières années.

Ce texte ne traite pas de n'importe quel produit. Notre rapport au sel est ancien et protéiforme, car celui-ci a, de tout temps, accompagné le développement de la civilisation. En effet, chers collègues, quelle a été la place du sel à travers notre histoire ? Le sel a été, et est toujours, utilisé en premier lieu pour l'alimentation humaine et animale. Mais les usages du sel ont été extrêmement variés dans l'histoire, et ils le demeureront. Le sel se retrouve dans de nombreuses activités humaines, liées à l'alimentation, à l'hygiène ou aux soins.

Notre lien salvateur au sel remonte au néolithique, alors que les sociétés humaines se sédentarisent et entament, avec la domestication des espèces animales, le développement de l'agriculture et de l'élevage. Le sel est également employé pour l'hygiène et les soins du corps, sous la forme de cures d'eau salée ou de bains de mer ; c'est le thermalisme, connu depuis l'Antiquité, et qui a pris la forme actuelle de la thalassothérapie. Mentionnons aussi les usages cosmétiques et désinfectants du sel, intégré dans la composition de savons ou de produits destinés à assainir l'air. On le retrouve enfin dans la saumure de nos conserves. Avec le développement technologique, les usages du sel ont encore été démultipliés, notamment dans l'industrie chimique, qui valorise ses nombreuses propriétés.

Rappelez-vous aussi que le sel fut un monopole royal. Il était entreposé dans les greniers à sel où la population l'achetait taxé : c'était la gabelle.

Une fois énoncée l'importance du sel dans le mouvement de la civilisation, on doit s'intéresser à sa définition. Qu'est-ce, au juste, que le sel ? Chers collègues, ne vous y trompez pas : cela ne va pas de soi !

Compte tenu de la grande diversité de ses utilisations et de ses multiples propriétés, on ne peut, dans la perspective d'une labellisation biologique du sel, l'appréhender comme un produit « univer-sel », sans distinguer entre les techniques de production naturelles et non naturelles – même si, paradoxalement, le sel est un minéral mais qui a conservé ses caractéristiques naturelles. Si on ne distingue pas entre les différents types de sel, nous aboutirons, demain, à une situation totalement absurde où l'on répandra, en hiver, du sel bio sur nos routes pour les déneiger.

Le nouveau règlement européen de 2018 avait pour objectif de consacrer la récolte à la main du sel marin, basé sur l'évaporation naturelle de l'eau de mer, comme la seule production réellement compatible avec les exigences de l'agriculture biologique. Mais une pression adroitement organisée est parvenue à étendre le champ d'application sous l'intitulé « sel marin et autres sels », afin d'étendre, de façon aberrante, l'éligibilité et le bénéfice de cette certification biologique à des méthodes de production totalement incompatibles avec la philosophie et les standards de la production biologique. Cette confusion est inacceptable.

Or, si nous sommes confrontés aujourd'hui à cet élargissement du champ de la labellisation, c'est précisément parce que l'on a voulu attribuer au sel le label bio, ce qui n'allait pas de soi, puisque, la certification biologique ne concernait jusqu'alors que les productions animales ou végétales, tandis que le sel – je vous renvoie à notre effort de définition – n'est pas un élément organique. Reste qu'il existe d'autres types de valorisation et d'autres signes de qualité qui auraient pu suffire à distinguer la production ancestrale de nos sauniers et paludiers, respectueuse de l'environnement et de la biodiversité.

L'objet de la proposition de résolution est d'encourager le Gouvernement à tenir bon face aux velléités d'assimilation d'autres États membres de l'Union européenne, qui n'exploitent que du sel gemme ou du sel de mine. Si vous tenez à préserver une certification biologique européenne forte et exigeante et à consolider ainsi la confiance que les consommateurs placent dans ce label, vous voterez ce texte.

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