Intervention de Jean-Michel Clément

Séance en hémicycle du mercredi 23 février 2022 à 15h00
Dénonciation du coup d'État militaire en birmanie — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Michel Clément :

Le 1er février 2021, un coup d'État militaire éclatait en Birmanie. Les dirigeants démocratiquement élus étaient arrêtés sur le champ, et la conseillère pour l'État, l'équivalent de la cheffe du gouvernement, Aung San Suu Kyi, était assignée à résidence dans un endroit tenu secret. L'armée n'avait pas accepté le résultat des élections législatives de novembre 2020 qui avait permis au parti d'Aung San Suu Kyi d'obtenir la majorité absolue dans les deux chambres. De nouveau inculpée, la prix Nobel de la paix 1991, déjà condamnée à six ans de prison, risque à l'heure où nous parlons plusieurs décennies de détention. Lors de la répression sanglante qui a suivi les manifestations pacifiques, le régime a tué près de 1 500 civils, et plus de 12 000 personnes, considérées comme opposantes, ont été arrêtées.

Le groupe Libertés et territoires avait, à l'époque, appelé le Gouvernement à soutenir pleinement le gouvernement birman légitimement élu, et à s'engager pour assister la population civile dans la catastrophe humanitaire sur place. Un an plus tard, la situation est toujours aussi préoccupante. Des grèves silencieuses ont de nouveau eu lieu le 1er février dans le pays où se déroulent aussi des protestations pacifiques, théoriquement passibles de la peine de mort. Différentes minorités ethniques sont en rébellion ouverte, et elles ont formé des armées rebelles qui rassemblent jusqu'à 75 000 soldats. La junte mène actuellement, en représailles, une campagne de terreur, massacrant des civils, notamment au moyen de frappes aériennes aveugles

Les pires atrocités sont monnaie courante. La veille de Noël, trente-cinq à quarante personnes appartenant à une minorité chrétienne étaient brûlées vives dans un village. Ces méthodes ne sont pas nouvelles dans le pays. La minorité rohingya a été particulièrement ciblée ces dernières années, témoignant du rôle important de la junte, y compris au cours de la période démocratique avec 619 localités rohingyas incendiées entre 2017 et 2020. Près de 1 million de Rohingyas ont été contraints de fuir au Bangladesh depuis 2016.

Il faut par ailleurs noter que le matériel militaire utilisé pour les massacres est principalement d'origine russe, mais aussi chinoise. Le soutien de la Russie aux pires régimes, en Syrie, en Afrique par l'intermédiaire des mercenaires Wagner, et en Birmanie, va bien plus loin qu'une simple ingérence. Des massacres sont aussi commis : il faut les dénoncer. Alors que l'actualité internationale est très chargée avec le retrait militaire français du Sahel, le début d'invasion russe de l'Ukraine ou encore les tensions qui persistent avec l'Iran et la Chine, il est nécessaire que la France et l'Europe n'oublient pas le peuple birman. La France ne doit en aucun cas reconnaître cette junte illégitime : elle doit au contraire reconnaître les représentants démocratiquement élus par le peuple birman comme seuls représentants politiques de la Birmanie.

Alors que partout dans le monde les régimes autoritaires gagnent du terrain, la démocratie a une chance en Birmanie. Il n'y a pas de fatalité à ce que ce pays rejoigne le concert des dictatures mondiales. Après la période britannique et l'indépendance acquise en 1948, la Birmanie a connu un régime démocratique parlementaire. Des dictatures militaires se sont ensuite succédé à partir de 1962, faisant de l'armée un pilier central du pays avant qu'il ne connaisse une période d'ouverture avec une transition vers un pouvoir civil à partir de 2011, transition qui a finalement porté démocratiquement Aung San Suu Kyi au pouvoir en 2015.

Mais les militaires n'étaient jamais loin. Restés au pouvoir pendant des décennies, ils demeuraient influents dans l'ombre, prêts à reprendre la main sur le pouvoir, à la moindre difficulté économique, à la moindre tension politique ou interethnique. Et c'est ce qu'ils ont fini par faire.

Cependant, durant cette période de transition démocratique d'une dizaine d'années a grandi une jeunesse alerte, mobilisée, ouverte sur le monde, une jeunesse qui croit en la liberté et est prête à se battre pour la démocratie, une jeunesse qui manifeste encore activement et que nous devons soutenir plus que jamais.

Alors que la guerre civile généralisée menace la Birmanie, nous devons évidemment exprimer notre plein soutien à cette proposition de résolution, cosignée par la majorité des membres de mon groupe Libertés et territoires. Je remercie ici Anne Genetet et Michel Herbillon pour les efforts qu'ils déploient afin de soutenir la démocratie en Birmanie.

On peut toutefois se demander si la résolution n'aurait pas pu aller encore plus loin. Certes, l'Union européenne a déployé des sanctions à la suite du coup d'État, mais celles-ci demeurent limitées à mes yeux, et notre assemblée pourrait appeler à de nouvelles sanctions économiques, plus massives, envers la junte.

Par ailleurs, notre pays doit soutenir les différents groupes rebelles qui se sont structurés autour des forces de défense du peuple mises en place par le gouvernement légitime en exil. « Nous vaincrons ! Ce n'est qu'une question de temps », a dit Zaw Wai Soe, ministre du gouvernement insurgé, lors de son passage à Paris.

Vous l'aurez compris : mes collègues et moi soutiendrons pleinement cette proposition de résolution pour affirmer la reconnaissance du gouvernement élu comme seul légitime et pour enjoindre à la junte d'arrêter ses exactions.

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