Intervention de Clément Beaune

Séance en hémicycle du mercredi 23 février 2022 à 15h00
Accès universel à la vaccination — Discussion générale

Clément Beaune, secrétaire d'État chargé des affaires européennes :

Alors que la session touche bientôt à sa fin, je vous remercie d'avoir organisé une discussion sur un sujet aussi essentiel, qui s'est déroulée dans un esprit de – relatif – consensus. Je tiens à remercier tout particulièrement Jean-François Mbaye pour son engagement et pour sa proposition de résolution cosignée par les groupes La République en marche, Mouvement démocrate (MODEM) et démocrates apparentés, Agir ensemble et bien au-delà.

La France défend à l'international, en matière de santé, une approche fondée sur des valeurs de solidarité, de promotion des droits de l'homme et de multilatéralisme. C'est pourquoi je me félicite de l'examen de cette proposition de résolution qui me permet tout d'abord de rappeler brièvement l'action menée par notre pays dans ce domaine, avant même l'apparition de la covid-19.

La France est en effet, depuis longtemps, vous le savez, résolument engagée en faveur de l'accès à des vaccins, médicaments et autres produits de santé qui soient à la fois abordables et de qualité. Nous avons notamment, via Unitaid, agence d'innovation en santé et organisation clé au niveau mondial, que nous finançons à 60 % depuis sa création il y a quinze ans, apporté une contribution majeure à la baisse du prix des traitements antirétroviraux contre le VIH, assurant qu'ils puissent être largement disponibles et abordables.

Aujourd'hui, plus de 28 millions de personnes, soit près des trois quarts des porteurs du VIH, bénéficient de traitements antirétroviraux qui, d'une part, coûtent moins d'une centaine d'euros par an et, d'autre part, sont en grande partie financés par le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme, que nous soutenons également.

Dès le début de la pandémie de covid-19, au printemps 2020, nous avons dû évidemment renforcer et adapter nos engagements. La France a pris position très clairement, depuis le départ, en faveur d'un accès équitable et universel aux vaccins – considérant qu'il devait s'agir d'un « bien public mondial », expression employée par le Président de la République dès le mois d'avril 2020 – comme à l'ensemble des produits de santé permettant de combattre progressivement la pandémie de covid-19 : tests, diagnostics et traitements.

Aux côtés de l'OMS et de la Commission européenne, la France a notamment été directement à l'origine du lancement, au printemps 2020, de l'accélérateur ACT-A – mentionné à plusieurs reprises cet après-midi –, avec ses quatre piliers consacrés aux diagnostics, aux traitements, aux futurs vaccins et aux systèmes de santé. Près de 500 millions d'euros ont ainsi été versés directement aux organisations qui pilotent ces piliers de l'action.

S'agissant des vaccins, sur lesquels porte plus spécifiquement votre proposition de résolution, nous avons dit, dès l'automne 2020, que nous devions promouvoir les dons de doses de vaccin, un engagement prononcé publiquement à l'occasion du Forum de Paris sur la paix, alors que – soyons clairs – la plupart de nos grands partenaires internationaux pratiquaient à l'époque des restrictions, portant non pas sur la propriété intellectuelle mais sur les exportations, ce qui est beaucoup plus grave et handicapant. Je tiens à dire que ni la France ni quelque pays européen que ce soit n'ont appliqué de restriction à l'exportation, quand bien même nos campagnes vaccinales démarraient difficilement partout.

Ces derniers mois, malgré les différentes vagues et les besoins supplémentaires qui ont émergé en matière de vaccination dans notre pays, avec plus de 35 millions de doses de rappel administrées en France, notre trajectoire de dons est restée cohérente avec l'engagement pris par la France. Ainsi, 120 millions de doses seront données d'ici à la fin du premier semestre 2022. La France, qui tient ses engagements en la matière, est aujourd'hui, avec plus de 80 millions de doses déjà cédées et 61 millions déjà livrées, le troisième plus gros donateur de doses de vaccin au monde, dans le cadre du dispositif COVAX, après les États-Unis et l'Allemagne. L'Union européenne, considérée dans son ensemble, se situe – de loin – à la première place, au niveau mondial, en matière d'exportation et de don de vaccins.

Nous soutenons plusieurs projets pilotes. Vous l'avez rappelé, il est essentiel – avant même d'aborder la question de la propriété intellectuelle – de soutenir les capacités de production locale. L'Union européenne a ainsi débloqué, dès l'an dernier, 1 milliard d'euros au total, progressivement versés pour créer trois, puis six hubs de production de vaccins sur le continent africain, une mesure confirmée lors du sommet Union africaine-Union européenne qui s'est tenue la semaine dernière.

Bien sûr, au fil du temps – et ce temps est venu, après les différentes phases que j'ai décrites –, il fallait que la question de la propriété intellectuelle, même si elle n'est pas le seul ni le principal facteur, soit prise en considération s'agissant de l'accès aux vaccins et que la notion de bien public mondial soit au centre de notre stratégie, nous l'avons toujours dit. Je ne répéterai pas l'ensemble des propos qui ont été tenus ici à ce sujet. Je les résumerai ainsi : jamais la propriété intellectuelle ne doit constituer un obstacle effectif à l'accès aux doses de vaccin. C'est tout à fait juste, nous défendons depuis le départ ce point de vue. Cependant, il est essentiel de ne pas se concentrer sur cette seule question : c'est d'ailleurs pourquoi j'ai insisté sur les premières actions que nous avons menées : l'exportation et le soutien à la production locale.

À propos de la discussion, lancée au sein de l'OMS et de l'OMC, sur la propriété intellectuelle, la situation devrait se débloquer dans les prochaines semaines. Je voudrais à ce sujet souligner très précisément que nous soutenons les licences volontaires et les licences obligatoires. D'un point de vue pratique, elles représentent certainement le mécanisme le plus efficace pour assurer le partage de la propriété intellectuelle. Il faut donc faciliter leur utilisation.

Vous le savez, la réunion ministérielle de l'OMC prévue en décembre 2021 a dû être reportée en raison de la pandémie elle-même mais je crois que les discussions qui se poursuivent actuellement à Genève sont mieux engagées – à la suite notamment du sommet entre l'Union africaine et l'Union européenne déjà cité – et aboutiront rapidement.

Je veux à présent insister sur l'importance de la dimension européenne s'agissant de chacune des actions que j'ai décrites. C'est en agissant ensemble que nous avons empêché les interdictions d'exportation sur notre continent. C'est en agissant ensemble que nous avons renforcé nos capacités de production et donc d'exportation et de don. C'est en agissant ensemble que nous avons financé les premières solutions de production locale en Afrique, qui aujourd'hui avancent bien. C'est en agissant ensemble, enfin, que nous trouverons une solution efficace concernant la question de la propriété intellectuelle.

Sur ce sujet, il faut, une nouvelle fois, assumer un équilibre – nous le revendiquons : oui, la propriété intellectuelle est nécessaire, car sans elle l'innovation n'aurait pas été possible, mais elle ne saurait constituer aujourd'hui un obstacle à la vaccination, laquelle est nécessaire à la fois dans l'intérêt sanitaire du monde entier et en raison de notre devoir impératif de solidarité.

Tous ces éléments conduisent le Gouvernement à être évidemment favorable à votre proposition de résolution.

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