Intervention de Jean-Michel Clément

Séance en hémicycle du mercredi 23 février 2022 à 15h00
Accès universel à la vaccination — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Michel Clément :

Alors que les populations des pays développés en sont à discuter de l'opportunité de généraliser l'accès à une troisième ou quatrième dose de vaccin, près de 40 % de la population mondiale n'ont toujours pas eu accès à une dose ! En Afrique, à peine 10 % des adultes bénéficient d'une couverture vaccinale contre la covid-19. Cette inégalité d'accès à la vaccination est une source de difficultés sanitaires majeures, doublée d'une faute morale collective. Chez les populations non vaccinées, nous savons que la probabilité de contracter le virus et de développer des formes graves est plus forte, même si nous remarquons avec soulagement que la pandémie est curieusement presque moins intense en Afrique qu'en Europe, ce qui est aussi une manière de mesurer la fragilité de nos sociétés plus développées.

En outre, cet accès inégal pose des difficultés aux pays riches eux-mêmes. Alors que nous sommes dans l'incertitude face aux nouveaux variants, laisser une grande partie de la population mondiale non vaccinée, c'est augmenter les risques que d'autres variants plus dangereux n'apparaissent. Si nous assistons à une résurgence de la pandémie parce que les pays pauvres n'auront pas été en mesure de se prémunir contre le virus, nous serons victimes de notre propre turpitude.

La lutte contre cette pandémie a toutefois donné lieu à des initiatives notables, qu'il convient d'apprécier à leur juste valeur. Le programme Covax lancé par l'OMS a été le premier dans l'histoire à prévoir qu'un vaccin puisse bénéficier à l'ensemble des pays de la planète grâce à un système de financement mondial. Il a permis l'acheminement de plus de 1 milliard de doses en moins d'un an, ce qui constitue un résultat significatif, même s'il est encore insuffisant.

Il faut aller plus loin. L'OMS estime qu'il est nécessaire que la couverture vaccinale mondiale atteigne 70 % à la fin du premier semestre 2022, pour que nous sortions de la phase aiguë de la pandémie. Nous en sommes encore très loin. La levée des brevets sur les vaccins est la seule solution car, comme l'OMS l'a souligné à plusieurs reprises, elle permettrait aux pays à faibles revenus de mettre en place leurs propres infrastructures de production de vaccins.

Mais comment ne pas déplorer le double discours que tient la France sur cette levée des brevets ? Dès mai 2020, le Président de la République Emmanuel Macron avait annoncé vouloir faire du vaccin contre la covid-19 un bien public mondial, qui « n'appartiendra à personne, mais nous appartiendra à tous ». Or le Gouvernement n'a pas tenu sa promesse. Alors que notre pays préside actuellement le Conseil de l'Union européenne, cette dernière se refuse toujours à entamer les démarches pour lever les brevets. Une demande formelle en ce sens a pourtant été faite par plus de 100 pays. S'abriter derrière l'argument du frein à l'innovation que cette procédure représenterait pour les laboratoires de recherche, c'est-à-dire derrière des profits potentiels, est une faute morale. N'oublions pas que la vie de millions d'êtres humains est en jeu. Comment peut-on laisser se propager le virus alors que nous avons les moyens d'agir ?

À cet égard, j'aimerais rappeler que certains pays ont travaillé à produire leurs propres vaccins et ont proposé de les rendre accessibles à d'autres dans le monde. Je pense notamment à Cuba. Dans les Antilles françaises, recourir à ce vaccin cubain contribuerait sans doute à réduire la forte défiance des populations locales à l'égard des vaccins à ARN messager et augmenterait leur taux de vaccination. Ne vaut-il pas mieux être vacciné avec un vaccin peut-être moins performant que de n'être pas vacciné du tout ? Nous n'aurions pas dû nous priver des possibilités qui nous étaient ainsi offertes quand la pandémie se généralisait et que certains n'avaient à proposer que des traitements de substitution, contre le paludisme notamment.

Avant de conclure, j'aimerais rappeler les mots de Victor Hugo à propos de la misère : « Les législateurs et les gouvernants doivent y songer sans cesse ; car, en pareille matière, tant que le possible n'est pas fait, le devoir n'est pas rempli. » Éradiquer la misère devrait être l'horizon de la politique. Ne pas faire en sorte que les populations les plus fragiles soient protégées aussi bien et aussi vite que les autres, c'est l'entretenir.

Cette proposition de résolution arrive bien tard, elle veut donner bonne conscience. La France aurait dû être tête de pont en matière de levée des brevets sur les vaccins, comme l'avait initialement suggéré le Président de la République. Elle ne s'est pas suffisamment engagée en ce sens. Toutefois, comme il n'est jamais trop tard pour expier ses fautes, le groupe Libertés et territoires soutiendra bien évidemment ce texte.

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