Intervention de Bruno Fuchs

Séance en hémicycle du mercredi 23 février 2022 à 15h00
Accès universel à la vaccination — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBruno Fuchs :

Nous vivons actuellement en France une légère embellie dans la guerre que nous menons face au covid-19. Cependant, cela ne doit pas nous conduire à baisser la garde : en effet, la maladie ne sera vaincue que quand elle sera éradiquée partout dans le monde. Si les pays pauvres n'ont pas la possibilité d'offrir une large vaccination à leurs populations, le monde restera à la merci de l'apparition de nouveaux variants et les efforts déployés aux échelles régionale et nationale n'auront pas forcément les effets attendus.

Face à la nécessité de mettre tous les États de la planète sur un pied d'égalité vaccinal, le multilatéralisme et la diplomatie ont fait leur œuvre. Les États les mieux pourvus en vaccins – à l'exception de la Russie et de la Chine, je le précise – se sont organisés autour de l'initiative Covax. La France a joué un rôle décisif dans cette initiative, d'abord en étant à son origine, puis en donnant plus de 80 millions de doses de vaccin avec un objectif de 120 millions de doses d'ici à mai 2022, en plus du versement de contributions financières.

En dépit de cet engagement, nous restons cependant loin du compte, loin de l'objectif d'une vaccination large et égalitaire au niveau mondial, ce qui constitue le témoignage retentissant d'une fracture Nord-Sud. Ainsi, Covax avait distribué 1 milliard de doses mi-janvier, alors qu'un objectif de 2 milliards de doses avait été fixé pour fin 2021.

Loin de la couverture vaccinale européenne, la population africaine connaît pour sa part un taux de vaccination avoisinant les 10 %, avec de grandes disparités à travers le continent. Il est urgent de changer de logiciel pour être en mesure de répondre aux enjeux. Avant toute chose, il est nécessaire d'accélérer la distribution de vaccins et de renforcer l'efficacité de Covax, ce à quoi s'attache la proposition de résolution que nous examinons aujourd'hui. Il est clair que Covax et le principe de distribution constituent une réponse généreuse, mais de court terme, déployée face à l'urgence de la situation. Plus que jamais, il nous est indispensable de créer les conditions pour que les États les plus vulnérables puissent produire et distribuer leurs vaccins sur leur propre territoire. Si nous voulons être respectueux de la souveraineté des pays les plus vulnérables, si nous cherchons à établir une relation partenariale, il nous faut sortir de la logique de pure solidarité.

Les pays d'Afrique ne demandent pas l'aumône, ils veulent créer les conditions de prendre leur destin en main et de définir eux-mêmes leur stratégie de santé publique. La présente résolution souligne avec justesse cette nécessité d'un transfert de technologie et de savoir-faire. Pour que ces pays puissent connaître un meilleur accès à la vaccination par une production locale, la solution intellectuellement la plus simple et la plus populaire est celle de la levée des brevets. Si cette solution est la plus tentante, sa mise en œuvre suscite toutefois une difficulté majeure : elle nécessite en effet le consentement d'un certain nombre de nos partenaires et, à défaut, elle reste purement conceptuelle et inapplicable à court terme. Cette solution présente un autre inconvénient, même s'il est moindre et peut être contourné : elle ne comporte à ce stade aucune contrepartie en faveur de l'industrie pharmaceutique, ce qui est un frein sévère à la capacité d'innover.

Plutôt qu'une solution idéale mais inapplicable, une autre piste est apparue, privilégiée par l'Union européenne, à savoir le mécanisme de licence obligatoire. Ce mécanisme, qui présente l'avantage d'être opérationnel beaucoup plus rapidement, pourrait être activé au sein de l'OMC et est mieux accueilli par les États.

La proposition de résolution que nous examinons propose à cet égard une voie réaliste et certainement plus efficace compte tenu de l'urgence. Elle propose en effet de privilégier la voie de la licence obligatoire, tout en faisant évoluer son régime pour permettre une production et un approvisionnement massifs sur les territoires nationaux. Cette solution, et c'est bien là l'essentiel, garantit un accès au vaccin par production et distribution nationales. Dans le cadre des initiatives diplomatiques qu'elle prend, la France a tout intérêt à défendre cet équilibre conjuguant pragmatisme et nécessaire accès universel au vaccin.

Le groupe Mouvement démocrate (MODEM) et démocrates apparentés souscrit à cette vision réaliste et pragmatique qu'il estime efficace pour répondre à l'enjeu mondial de lutte contre le covid-19. Il votera donc la présente proposition de résolution.

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