Intervention de Annie Chapelier

Séance en hémicycle du mercredi 23 février 2022 à 15h00
Renforcement du droit à l'avortement — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAnnie Chapelier :

Nous allons adopter un texte qui fait du droit à l'avortement un droit réel et effectif pour que toutes les femmes puissent disposer de leur corps. Personne d'autre, en effet, ne peut le faire à leur place.

Comment oublier dans quel contexte s'inscrit ce vote ? Sur le plan national comme à l'étranger, chaque recul des moyens d'accès à l'IVG est source d'inquiétude et appelle de notre part une réponse forte et déterminée. Outre la question du manque de structures adaptées, il est aisé de constater la montée d'une idéologie intégriste et conservatrice qui menace l'ensemble des droits des femmes. Bien qu'elles s'installent insidieusement dans notre quotidien, ces idées ne doivent jamais, jamais nous faire douter de la légitimité de nos revendications et de nos luttes. Ainsi, je n'oublie pas que certains amendements – heureusement minoritaires – ne se contentaient pas de s'opposer à l'allongement du délai légal, mais prévoyaient de le ramener à dix semaines ! Nous avons entendu bien trop d'arguments tendant à culpabiliser et à incriminer les femmes ou à dénoncer les prétendues souffrances que ce texte leur causerait. Cela nous est intolérable. Ce texte n'est pas un problème, mais une solution pour toutes les femmes qui ont recours à l'IVG en France.

Au cours de ces dix-huit mois de débats, nous avons tenté de démontrer l'utilité et la nécessité de ce texte. L'histoire prouvera que nous avons eu raison de le faire. Je demeure intimement convaincue que cette cause est juste et qu'elle concerne bien plus que le droit à l'avortement. Nous parlons des droits des femmes à disposer de leur corps et à être accompagnées de façon satisfaisante. À cet égard, la santé sexuelle et reproductive se devait d'être une priorité de la législature. La proposition de loi visant à renforcer le droit à l'avortement ne sort donc pas de nulle part : elle s'inscrit dans la suite logique d'une série de mesures largement soutenues et enrichies par le groupe Agir ensemble notamment. Je peux ainsi citer la gratuité de la contraception pour toutes les femmes de moins de 26 ans ou encore l'élargissement à tous les assurés, femmes et hommes, de moins de 26 ans de la consultation en santé sexuelle, décidés lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2022. Même si nous pouvons et devons aller encore plus loin, notamment sur l'éducation sexuelle et en faveur d'une meilleure répartition de la responsabilité de la vie sexuelle – grâce à la contraception partagée –, je souhaitais souligner ces avancées colossales. La contraception n'est jamais anodine et malheureusement, elle demeure bien trop une affaire de femmes.

Nouvelle pierre d'un édifice en construction, celui des droits des femmes, ce texte secoue nos préjugés et les nombreux tabous dont la question fait encore l'objet. Il tend à apporter des solutions concrètes aux manquements, aux retards que connaît notre société en matière de santé des femmes. En prolongeant de douze à quatorze semaines le délai légal, nous répondons aux besoins de ces milliers de Françaises qui, chaque année, partent avorter à l'étranger, et nous œuvrons à ce que l'avortement soit vécu sans honte. En ouvrant aux sages-femmes la pratique des IVG chirurgicales, nous pallions les difficultés d'accès aux soins rencontrées par les femmes dans nos territoires et faisons en sorte qu'elles soient prises en charge tôt et près de chez elles par des professionnels de qualité médicale. En supprimant le délai de réflexion de deux jours, nous mettons un terme à l'infantilisation des femmes et les laissons libres de déterminer le temps nécessaire à leur réflexion – ce qui est important, c'est le moment où l'on commence à réfléchir à sa décision, non le délai dont on dispose. En créant un répertoire des professionnels de santé ainsi que de l'ensemble des structures pratiquant l'interruption volontaire de grossesse, nous offrons aux femmes un meilleur suivi et une information plus complète sur leurs droits. En demandant deux rapports au Gouvernement, nous veillons à ce que le sujet du droit à l'avortement demeure une priorité. Il faut en particulier continuer à identifier les freins rencontrés par les femmes qui souhaitent avorter et lutter contre le délit d'entrave à l'IVG, encore trop répandu.

Mes chers collègues, le combat fut long et difficile mais enfin nous y sommes : nous allons adopter un texte riche et transpartisan dont nous pouvons tous et toutes être fiers. Il est le fruit de la formidable mobilisation de toute la classe politique et de la société civile. Nous avons su nous unir et nous devrons encore être capables de le faire. Pour ma part, comme je l'espère nombre de mes collègues, je voterai ce texte avec ferveur.

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