Intervention de Emmanuelle Ménard

Séance en hémicycle du mercredi 23 février 2022 à 15h00
Renforcement du droit à l'avortement — Motion de rejet préalable

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaEmmanuelle Ménard :

Ces chiffres avaient déjà été invoqués en 2001, lorsque le délai avait été étendu de dix à douze semaines, et le seront à nouveau demain quand il s'agira de l'étendre encore jusqu'à seize puis dix-huit semaines, et pourquoi pas davantage.

Plus étonnant encore, ce texte devrait être voté de toute urgence pour renforcer le droit à l'avortement, qui serait attaqué. Mais plus de 230 000 avortements sont pratiqués chaque année, c'est-à-dire au moins deux fois plus qu'en Allemagne, dont la population est supérieure à la nôtre – sans que personne ne s'interroge à ce sujet. Et une femme sur trois – ce sont vos chiffres – avorte au moins une fois dans sa vie en France. Dans ces conditions, on peut se demander quels chiffres pourraient bien vous rassurer quant à la place qu'occupent les IVG dans notre politique de natalité.

Ce droit serait tellement en danger qu'aujourd'hui vous présentez l'avortement chirurgical comme une sorte de promotion pour les sages-femmes. Qu'importe que leur formation et leur qualification ne soient pas celles d'un médecin. Qu'importe que vous n'attendiez même pas le résultat de l'expérimentation prévue par la loi de financement de la sécurité sociale pour pérenniser cette pratique. Qu'importe, puisque seul compte le droit des femmes, comme vous l'avez dit, madame la rapporteure Battistel. C'est si vrai qu'il s'en est d'ailleurs fallu de peu pour que la clause de conscience spécifique, dernier vestige de la loi de Simone Veil, ne soit supprimée. Car chez vous, le médecin et le personnel médical sont des exécutants. Dépossédés du droit d'avoir une conscience, laquelle n'obéit pas nécessairement à vos règles, ils sont déshumanisés. Mais qu'importe puisque même aux femmes, dont vous dites défendre les droits, vous supprimez le délai de réflexion de quarante-huit heures entre l'entretien psychosocial préalable et le recueil du consentement. Il serait un stigmate de leur infantilisation : selon vous, réfléchir, c'est infantilisant !

Mais revenons à Simone Veil. Avec cette proposition de loi vous êtes loin, très loin de celle qui rappelait systématiquement que l'avortement est un drame et qu'il ne saurait en aucune manière être question de le banaliser. Mais pour vous, adieu sagesse ! Adieu, mises en garde du Comité consultatif national d'éthique ! Adieu, oppositions de l'Académie nationale de médecine et du Collège national des gynécologues et obstétriciens français ! C'est donc sans fard, sans mots feutrés ni cachés que je vous le dis : je ne voterai pas cette proposition de loi et j'en propose même le rejet.

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