Intervention de Olivier Véran

Séance en hémicycle du mercredi 23 février 2022 à 15h00
Renforcement du droit à l'avortement — Présentation

Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé :

Mesdames et messieurs les députés, c'est un jour important dans la vie de cette assemblée, un jour important pour la santé sexuelle et reproductive et un jour important pour la santé des femmes.

Je tiens tout d'abord à saluer le travail de celles et ceux qui, sur ces bancs, ont permis l'aboutissement de ce texte, afin de remédier à la détresse à laquelle sont confrontées des milliers de femmes qui, chaque année, doivent procéder à l'étranger à des interruptions volontaires de grossesse tardives, faute d'en avoir la possibilité dans notre pays. Je rends hommage à la pugnacité des deux rapporteures et à l'engagement sans faille des parlementaires de la majorité, élargie pour l'occasion.

Quelques grands combats sont indissociables de l'histoire de cet hémicycle : celui de Simone Veil en fait partie et nous avons tous ses mots en mémoire, son courage bien présent à l'esprit. Le droit à l'IVG, dorénavant inscrit dans notre patrimoine juridique, garantit la liberté, le respect de la dignité des femmes et il participe à l'amélioration de l'égalité entre les femmes et les hommes.

La proposition de loi sur laquelle vous devez vous prononcer définitivement aujourd'hui se montre fidèle à ce combat pour l'émancipation des femmes. Je salue à cet égard le travail de fond qui est à son origine, mené en lien avec la délégation aux droits des femmes : le rapport d'information de Cécile Muschotti et de Marie-Noëlle Battistel et l'initiative d'Albane Gaillot. Si le Gouvernement s'en est remis à la délibération des parlementaires, il a créé les conditions pour que ce processus et l'engagement de la majorité aillent à leur terme. N'ayant jamais fait mystère de ma position personnelle sur le sujet, je me réjouis que nous ayons trouvé une voie apaisée pour défendre notre conviction commune.

Nous avons prouvé que le temps long était le temps juste pour aborder des sujets complexes du point de vue éthique. Ce temps long, c'est celui d'une procédure parlementaire qui a permis à chacun de s'interroger de manière sincère et de confronter les points de vue. La décision n'a pas été prise à la va-vite, mais au contraire mûrement réfléchie ; les parlementaires ont pu de surcroît nourrir leur réflexion de l'éclairage apporté par l'avis du CCNE, le Conseil consultatif national d'éthique, saisi à ma demande. Il en résulte un texte équilibré, mesuré et, je le crois, profondément responsable.

Si l'article 1er prévoit l'allongement de douze à quatorze semaines du délai légal d'accès à l'IVG, ce texte est riche d'autres mesures visant à améliorer l'effectivité du droit à l'avortement : par la possibilité donnée aux sages-femmes de pratiquer des IVG instrumentales en établissement de santé ; par l'inscription dans la loi de l'allongement de cinq à sept semaines du délai permettant de recourir à l'IVG par voie médicamenteuse ; par la publication par chaque agence régionale de santé d'un répertoire des professionnels et des structures pratiquant l'IVG, sur la base d'un recensement volontaire ; enfin par la sanction des pharmaciens en cas de refus de la délivrance d'un contraceptif d'urgence, en dehors des cas de refus légitimes prévus par le code de la santé publique.

Comme vous le savez, le Gouvernement a porté haut et fort l'exigence de renforcer sans cesse l'accès à l'offre d'IVG en tout point du territoire, afin de ne laisser aucune femme sans possibilité d'exercer son droit, et il s'est déjà engagé très concrètement sur plusieurs de ces mesures, signe d'une convergence forte sur le fond avec vos propositions.

Après une importante concertation avec les parties prenantes, nous avons ainsi lancé l'expérimentation ouvrant la pratique de l'IVG instrumentale aux sages-femmes prévue par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2021 et que tend à généraliser la présente proposition de loi. Nous avons voulu ne pas perdre de temps : le décret d'application de cette expérimentation a été publié le 31 décembre. Il précise notamment la formation et l'expérience requises des sages-femmes ainsi que l'organisation spécifique exigée des établissements de santé expérimentateurs. Il est accompagné d'un arrêté qui organise l'appel national à candidatures auprès des établissements de santé volontaires.

Cette démarche doit conduire à sélectionner une cinquantaine d'équipes pour lancer les tout premiers projets dans les prochains mois. Elle pose les bases d'une pratique à même de faciliter l'organisation des équipes hospitalières dans leur réponse aux demandes d'IVG et présentera aux femmes engagées dans un tel parcours un nouvel interlocuteur possible.

Par ailleurs, je m'étais engagé devant vous à pérenniser l'allongement jusqu'à sept semaines de grossesse du délai de recours à une IVG médicamenteuse, en donnant la possibilité, en fonction du choix et de l'état de santé des femmes, d'opter pour la téléconsultation. Cette mesure, prise à titre dérogatoire en avril 2020 en raison du premier confinement, avait fait l'objet un an plus tard de recommandations en bonne et due forme de la Haute Autorité de santé. Cet engagement, mon ministère l'a tenu, puisqu'un décret en ce sens est paru ce dimanche 20 février. C'est une belle avancée supplémentaire en faveur de l'accès effectif à l'IVG.

Vous connaissez mon attachement à faire tomber les murs entre les professions et à décloisonner un système de santé qui n'a que trop souffert de guerres de chapelle. À cet égard, nous allons encore une fois dans la bonne direction.

Outre l'allongement du délai légal, il est primordial de garantir l'effectivité du droit à l'IVG, mais aussi l'information et l'éducation en amont. Ainsi, la feuille de route 2021-2024 de déclinaison de la stratégie nationale de santé sexuelle, qui a fait l'objet d'une coconstruction avec l'ensemble des parties prenantes, a été publiée le 1er décembre. Elle prévoit des actions concrètes pour renforcer la promotion, l'information et l'éducation à la santé sexuelle, comme la conception et la diffusion d'outils de promotion de la santé sexuelle accessibles aux différents publics ou le renforcement des connaissances en santé sexuelle des jeunes. Elle réaffirme également la nécessité d'une offre en santé sexuelle lisible, accessible et proche des lieux de vie, et comprend une action dédiée au renforcement de l'accès à l'IVG, parce que nous devons rendre l'exercice de ce droit effectif en tout point du territoire.

Les premières mesures concrètes – j'ai eu l'occasion d'en parler il y a deux semaines devant la délégation aux droits des femmes, à l'invitation de Marie-Pierre Rixain – ont été introduites dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2022. Il s'agit d'étendre à tous les jeunes jusqu'à 25 ans la consultation longue santé sexuelle, pour que la santé sexuelle ne continue pas d'être vue comme une affaire de femmes, mais également de rendre gratuit l'accès à la contraception pour les femmes jusqu'à 25 ans révolus, afin de tenir compte des vulnérabilités économiques et sociales des jeunes adultes.

En matière de santé des femmes, nous avons fait avancer bien des causes ; nous avons renforcé des droits et nous en avons créé de nouveaux. J'y tenais beaucoup. C'était aussi une priorité du quinquennat.

Au plus fort de la crise sanitaire, des mesures d'urgence ont été adoptées pour rendre effectif le droit à l'IVG, preuve que rien ne peut remettre en cause ce droit auquel nous sommes tant attachés. Au-delà de ces mesures d'urgence, nous avons fait avancer ensemble la santé sexuelle et reproductive des femmes. Qu'il s'agisse de la feuille de route santé sexuelle, de la contraception gratuite ou de la consultation longue durée, ce quinquennat aura été, dans ce domaine, celui de l'action et du progrès.

Par ailleurs, comment ne pas citer la procréation médicalement assistée pour toutes, qui restera un moment fort de la législature ? Ce souvenir suscite toujours chez moi une émotion, parce que cette avancée aura permis la concrétisation de projets parentaux et, au-delà, un agrandissement de la famille française, belle dans la diversité de ses formes et de ses configurations. Plus de 7 000 projets de PMA ont ainsi été engagés par des femmes seules ou en couple en l'espace de quelques mois, soit plus du double de ce que nous avions anticipé à l'issue de la première année d'application de la loi.

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