Intervention de Raphaël Schellenberger

Séance en hémicycle du mardi 8 février 2022 à 15h00
Différenciation décentralisation déconcentration et simplification de l'action publique locale — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaRaphaël Schellenberger :

Madame la ministre, permettez-moi de commencer par une suggestion. En cette période de présidence française du Conseil de l'Union européenne, vous êtes à la tête d'un ministère qui pourrait inspirer une réunion des ministres européens sur le sujet de l'organisation des pouvoirs publics locaux. Sur les autres sujets, le Gouvernement cherche plutôt à imposer sa vision à l'Europe – avec relativement peu de succès, on s'en rend bien compte ces temps-ci. Sur ce thème, je pense que nous gagnerions à examiner ce que font nos amis européens, et à nous en inspirer.

En effet, la France est depuis longtemps à la traîne, à l'échelle européenne, sur les sujets d'administration locale, de même que sur le respect de la Charte européenne de l'autonomie locale. Nous aurions beaucoup à apprendre de nos collègues européens, qu'ils soient ou non dans des États fédéraux, parce que nombre d'États centralisés ont adopté des organisations de leurs pouvoirs publics locaux beaucoup plus efficaces et pertinentes qu'en France.

Voilà une méthode, cher collègue Rebeyrotte, qui aurait pu être intéressante : commencer par regarder comment cela se passe ailleurs et y chercher des idées. Notre système d'administration locale est face à un mur, face à une incapacité à agir qui s'est progressivement organisée depuis les grandes lois de décentralisation, dans un mouvement qui visait progressivement à recentraliser les différents pouvoirs.

Le processus de construction du texte, la méthode, a été à l'opposé du principe dont il prétend s'inspirer. Ce texte, qui devait être une grande promesse de décentralisation, a été construit en suivant le calendrier des élections départementales et régionales ; mais l'échec de La République en marche à gagner un seul département ou une seule région aura conduit ce gouvernement à vider l'ambition initiale du projet de loi de toute sa substance et à proposer quelques mesures d'adaptation ; bref, la promesse est ratée.

Résultat : on se retrouve avec un texte de plus de 300 articles, autant dire aucun. Quand aucun article ne retient l'attention des élus locaux ou de la population, ou ne fait figure de symbole, c'est bien que ce qui est censé être un grand texte n'est en réalité qu'une succession de mesures techniques.

On peut d'ailleurs se réjouir que le transfert du haras national du Pin au conseil départemental de l'Orne fasse l'objet d'un titre entier au sein du projet de loi. C'est une avancée nécessaire, mais le fait que ce sujet occupe une telle place dans le texte montre à quel point son contenu est d'intérêt national !

Heureusement, un travail de fond a été mené par le Sénat s'agissant des intercommunalités, qui doivent redevenir un outil de coopération plutôt qu'une simple collectivité territoriale, et de la compétence eau et assainissement, cette question irritante que vous refusez depuis cinq ans de traiter, mais aussi sur la prééminence du préfet dans les territoires quand il s'agit de représenter l'État, et sur la capacité des maires à s'opposer à l'installation d'éoliennes grâce à leur PLU.

Malheureusement, ces améliorations de fond apportées par le Sénat ont fait l'objet d'un travail de sape en première lecture à l'Assemblée. Eh oui, madame la ministre ! Rien qu'en commission, ce sont près de soixante-dix avancées du Sénat qui ont été supprimées ; autant l'ont été dans l'hémicycle, et tout cela vous conduit…

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