Intervention de Patricia Lemoine

Séance en hémicycle du vendredi 4 février 2022 à 21h30
Accorder l'asile politique à julian assange et faciliter l'accès au statut de réfugié pour les lanceurs d'alerte étrangers — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPatricia Lemoine :

Nous sommes réunis aujourd'hui pour débattre, il faut en convenir, d'un sujet sensible. En effet, personne ne peut rester insensible à la situation de Julien Assange qui, rappelons-le, encourt une peine d'emprisonnement de 175 ans pour avoir commis le crime d'être lanceur d'alerte. Bien entendu, c'est inacceptable sur le principe et contraire à nos valeurs humanistes et européennes. Je tiens donc à indiquer que je m'exprimerai au nom d'une large majorité des députés du groupe Agir ensemble qui ne peuvent soutenir ce texte, uniquement pour des raisons fondées sur le droit interne et le droit international.

En premier lieu, vous nous invitez à accorder l'asile politique à Julian Assange. Selon l'OFPRA, l'asile est « la protection qu'accorde un État d'accueil à un étranger qui ne peut, contre la persécution, bénéficier de celle des autorités de son pays d'origine ». Or Julian Assange est détenu en Grande-Bretagne. Le risque qu'il encourt actuellement est l'extradition vers les États-Unis. Le droit à un procès équitable garanti par les droits britannique et européen à l'article 6 de la CEDH d'une part, et le due process of law américain protégé par le Bill of Rights d'autre part, sont certes différents, mais assurent objectivement une procédure judiciaire digne de grands pays démocratiques. Accorder le statut de réfugié politique à Julian Assange reviendrait à ne pas reconnaître l'impartialité de ces deux systèmes judiciaires.

En deuxième lieu, vous nous invitez à faciliter l'accès au statut de réfugié pour les lanceurs d'alerte étrangers et à leur accorder l'asile politique. L'OFPRA n'est aujourd'hui compétent que pour traiter les demandes d'asile déposées sur le territoire français. Il ne peut être saisi par une personne se trouvant à l'étranger. Toutefois, un ressortissant étranger peut d'ores et déjà solliciter un visa au titre de l'asile auprès des autorités françaises sur son lieu de résidence. Un ressortissant étranger qui l'obtient pourra venir en France de manière régulière et poursuivre la procédure de demande d'asile. Dès lors, cette demande est largement satisfaite.

En troisième lieu, vous nous invitez à saisir le Conseil de l'Europe en vue d'engager les travaux d'élaboration d'une convention spécifique visant à conférer le statut de réfugié aux lanceurs d'alerte. Au mois d'août 2019 déjà, la commission des questions juridiques et des droits de l'homme de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, par la voix du rapporteur Sylvain Waserman, a invité le comité des ministres à lancer le processus de négociation d'une convention sur la protection des lanceurs d'alerte. Cette recommandation a d'ailleurs été votée par les députés de notre groupe, Alexandra Louis et Dimitri Houbron.

J'en viens à la quatrième invitation, appelant à faire des lanceurs d'alerte une priorité de travail des institutions communautaires. Il faut rappeler ici que le 23 octobre 2019 a été adoptée une directive européenne sur la protection des personnes qui signalent des violations du droit de l'Union : or une directive européenne a un effet direct dans le droit des pays de l'Union.

En France, la proposition de loi visant à améliorer la protection des lanceurs d'alerte et la proposition de loi organique visant à renforcer le rôle du Défenseur des droits en matière de signalement d'alerte ont été récemment votées par notre Parlement. La commission mixte paritaire a été conclusive mardi dernier : ces lois une fois promulguées feront « de la France un pays à la pointe en Europe et dans le monde sur la question des lanceurs d'alerte », selon les mots du rapporteur Sylvain Waserman, auxquels je souscris. Par ces textes, notre pays est allé encore plus loin que les exigences posées dans la loi Sapin 2 et dans la directive européenne, ce dont nous nous félicitons. Il faut toutefois souligner que, même dans ce cadre, Julian Assange n'aurait pu bénéficier de ce statut car il a révélé des informations couvertes par le secret de la défense nationale, lesquelles sont exclues du champ de l'alerte permettant la reconnaissance du statut de lanceur d'alerte.

Les membres du groupe Agir ensemble voteront librement. Pour ma part, afin de respecter la volonté de la majorité de mes collègues, je voterai contre en formant le vœu, monsieur le ministre délégué, que tous les moyens soient mis en œuvre pour que Julien Assange recouvre la liberté.

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