Intervention de Marlène Schiappa

Séance en hémicycle du jeudi 3 février 2022 à 9h00
Création du conseiller territorial — Discussion générale

Marlène Schiappa, ministre déléguée chargée de la citoyenneté :

Cette proposition de résolution invite le Gouvernement à mener une réflexion sur l'harmonisation des modes de scrutin régional et départemental, donc à créer le conseiller territorial.

Vous invitez aussi le Gouvernement à réfléchir à l'articulation des échelons départemental et régional. Il s'agit de revoir le mode d'élection des conseillers départementaux et régionaux, sur le modèle du conseiller territorial, selon une réforme adoptée par le Parlement en 2010, mais jamais appliquée.

Le Gouvernement ne sera pas défavorable à ce texte, car il apparaît tout à fait légitime et utile de poursuivre une réflexion visant à rendre l'échelon territorial intermédiaire plus lisible et plus proche des citoyens et de leurs préoccupations, à responsabiliser davantage les élus et à clarifier encore la répartition des compétences entre les échelons locaux.

La présente proposition de résolution nous permet de partager l'objectif commun et impérieux d'améliorer la participation électorale et l'intérêt que portent nos concitoyens à toutes les élections.

J'ai eu l'occasion de m'exprimer largement sur ce sujet dans le cadre des travaux sur les moyens de lutter contre l'abstention, menés par Xavier Breton et Stéphane Travert, que je remercie et salue. La lutte contre l'abstention électorale est essentielle à la vitalité des institutions démocratiques. Le ministère dont j'ai la responsabilité y travaille. Nous avons développé des outils, dont certains ont été présentés ; d'autres le seront bientôt, nous devons encore y travailler ensemble.

Près de deux tiers des Français se sont abstenus de voter lors des dernières élections départementales et régionales, en 2021. Le contexte sanitaire a certes contribué à ce recul historique, de 16 % pour les élections départementales et de 24 % pour les élections régionales, mais nous ne pouvons pas tout attribuer au covid. Le texte soulève donc deux questions essentielles.

La première concerne la lisibilité de l'organisation territoriale, s'agissant en particulier de l'articulation entre les échelons. Elle implique une certaine stabilité, notamment des modes de scrutin des élections régionales et départementales, ainsi que des limites territoriales, après les réformes successives intervenues entre 2012 et 2017.

Le Gouvernement a fait le choix de ne pas bouleverser à nouveau le cadre institutionnel et électoral des départements et des régions, et de se concentrer sur l'amélioration de l'efficacité de leur action. La loi 3DS en est la preuve.

La stabilité est également indispensable pour que nos concitoyens comprennent les enjeux qui dépendent des départements et des régions dans les domaines économique, social et environnemental.

En ce qui concerne la recherche d'un mode de scrutin cohérent, permettant de favoriser l'articulation entre les différents échelons, le retour au conseiller territorial tel qu'il fut envisagé en 2010 soulève de nombreuses questions. Si celui-ci peut sans doute être le point de départ d'une réflexion commune, il sera difficilement un point d'aboutissement, du moins dans sa version adoptée en 2010.

En effet, dans son principe, le conseiller territorial devait remplacer le conseiller départemental et le conseiller régional, en siégeant à la fois au conseil départemental et au conseil régional. Les conseillers territoriaux devaient être désignés au scrutin uninominal majoritaire à deux tours, sur le modèle des élections cantonales en vigueur avant la réforme de 2013.

Depuis 2010, le cadre juridique et institutionnel a profondément évolué. La carte cantonale a été remaniée et les conseillers départementaux sont élus dans chaque canton, au scrutin majoritaire par binôme paritaire. Parallèlement, les grandes régions ont été créées. La mise en place du conseiller territorial impliquerait donc un nouveau découpage cantonal, sensible, sept ans à peine après les redécoupages de 2014 et de 2015. Un tel mode d'élection ne garantirait par ailleurs pas nécessairement la constitution de majorités aussi certaines que dans le cadre du scrutin régional actuellement en vigueur.

La question de la stabilité des majorités serait également susceptible de se poser en cas d'application d'un scrutin de liste sur le modèle régional actuel. Ce mode de scrutin permettrait, certes, de dégager des majorités claires à l'échelle régionale, grâce à la prime majoritaire attribuée à la liste arrivée en tête. Cependant la répartition des sièges par sections départementales risquerait de ne pas donner la majorité, dans un conseil départemental, à la liste arrivée en tête dans ce département, ce qui serait difficilement intelligible pour les électeurs. Telles sont les questions que le Gouvernement se pose.

Comme je l'ai indiqué en introduction, le Gouvernement estime nécessaire la poursuite d'une réflexion sur ces enjeux, essentiels pour la vitalité de notre démocratie locale et pour l'organisation territoriale de notre pays. Tous les scénarios possibles doivent cependant être mis sur la table, au-delà du modèle du conseiller territorial, auquel cette proposition de résolution fait référence. Je remercie encore une fois le groupe MODEM d'inscrire à l'ordre du jour ce type de sujet, fondamental pour la vitalité de la démocratie.

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