Intervention de Loïc Prud'homme

Séance en hémicycle du jeudi 3 février 2022 à 9h00
Création du conseiller territorial — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaLoïc Prud'homme :

Les auteurs de cette proposition de résolution qui vise à créer un conseiller territorial dressent le constat d'une « abstention de plus en plus massive », laquelle serait « un signal fort du désintérêt des citoyens pour le processus de décision politique qu'ils jugent sévèrement, soit qu'il apparaisse non représentatif, soit qu'il semble inefficace ».

Tout au long de leur mandat, les députés du groupe La France insoumise n'ont cessé d'alerter sur la trop forte abstention, notamment aux dernières élections régionales et départementales. C'est un enjeu d'autant plus crucial que les élections présidentielles se tiennent dans moins de trois mois désormais et que la date butoir d'inscription sur les listes électorales est fixée au 4 mars.

La France insoumise s'emploie tous les jours à lutter contre cette abstention, contre la non-inscription et la mal-inscription sur les listes électorales. La lutte contre l'abstention est au cœur du programme « L'avenir en commun », qui rappelle que les citoyens ne doivent pas être tenus à l'écart de la vie publique en démocratie. L'intervention citoyenne est le cœur de notre programme et de notre projet politique pour la France. Nous proposons donc une série de mesures, telles que la reconnaissance du vote blanc, l'instauration d'un seuil de votes exprimés qu'il faudrait atteindre pour que l'élection soit validée et l'instauration du droit de vote à partir de 16 ans. Enfin, pour renforcer la participation citoyenne à la vie publique, nous proposons d'instaurer le référendum d'initiative citoyenne.

Revenons-en à cette proposition de résolution. Tout d'abord, nous regrettons le mépris dont vous faites preuve à l'égard des Français et des Françaises, lorsque vous parlez des compétences territoriales. Je cite l'exposé des motifs : « Le record d'abstention aux dernières élections régionales et départementales le prouve : dès lors que les compétences se confondent ou se superposent, elles s'annulent dans l'esprit des Français qui n'entendent pas les subtilités byzantines d'un scrutin régional par listes départementales, et d'un scrutin départemental par binômes cantonaux ». Finalement, cette rédaction méprisante est à l'image de votre quinquennat : le système incriminé est sans doute trop « subtil » pour que les Français le comprennent.

Quant au texte de la proposition de résolution lui-même, il vise à « inviter le Gouvernement à mener les réflexions nécessaires à l'harmonisation des modes de scrutin aux élections départementales et régionales et à en tirer la conséquence par la création du conseiller territorial qui siégerait dans les deux assemblées ». Permettez-moi de revenir sur la création du conseiller territorial. Nous nous étonnons que la majorité présentielle reprenne une proposition soutenue sous le quinquennat de M. Sarkozy. En effet, cette mesure avait été envisagée lors de la réforme de 2010, mais abandonnée par la nouvelle majorité, élue en 2012. Vous précisez ainsi que « les inquiétudes soulevées alors, pour légitimes qu'elles soient, ne doivent pas nous empêcher aujourd'hui d'avancer ».

Permettez-moi de vous rappeler que le rapport de la commission des lois du Sénat soulignait l'existence de nombreuses objections à la création du conseiller territorial : « En effet, non seulement il ne permettra ni de réaliser des économies, ni d'assurer une meilleure coordination entre les actions du département et celles de la région, mais surtout il institutionnalisera le cumul des mandats ; il mènera à la mise en place d'assemblées régionales pléthoriques, et donc difficilement gouvernables ; il établira de facto une tutelle d'une collectivité [territoriale] sur une autre ; eu égard au mode de scrutin uninominal majoritaire à deux tours retenu par le législateur de 2010, sa création sera défavorable tant à l'égal accès des hommes et des femmes aux mandats électifs qu'au pluralisme politique. »

Les nombreuses limites que je viens de citer nous conduisent à nous interroger sur l'objectif des auteurs de cette proposition de résolution. Notre groupe votera donc contre le texte.

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