Intervention de élisabeth Borne

Séance en hémicycle du mercredi 2 février 2022 à 15h00
Évaluation de la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel

élisabeth Borne, ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion :

Je remercie l'ensemble des groupes pour les interventions souvent constructives que nous venons d'entendre et le groupe La République en marche d'avoir inscrit ce débat à l'ordre du jour dans le cadre de la semaine de contrôle. Je salue également les membres de la commission des affaires sociales, sa présidente, Fadila Khattabi, ainsi que les six rapporteurs de la mission d'évaluation, Mmes Catherine Fabre, Carole Grandjean et Michèle de Vaucouleurs, et MM. Gérard Cherpion, Sylvain Maillard et Joël Aviragnet. Leur rapport, de grande qualité, est le fruit de plus de six mois de travaux et de plusieurs dizaines d'auditions. Les recommandations qu'il contient complètent utilement l'évaluation des partenaires sociaux qui s'est traduite par un accord-cadre national sur la formation professionnelle et l'apprentissage.

La loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel, défendue par Muriel Pénicaud, figure parmi les lois les plus structurantes du quinquennat. Naturellement, nous manquons encore de recul pour évaluer l'intégralité des nombreux dispositifs qu'elle a créés, mais elle donne déjà des résultats mesurables, ce dont le rapport rend fidèlement compte. Je suis certaine que cette loi continuera de produire ses effets à la faveur de la reprise vigoureuse de notre économie.

Dans son titre Ier , la loi réforme en profondeur le système d'alternance et de formation professionnelle, elle a déverrouillé l'apprentissage pour les jeunes comme pour les acteurs économiques et replacé ces derniers au cœur du dispositif. Les freins à la création de nouveaux centres de formation d'apprentis ont été levés, ce qui a permis la création de près de 2 000 nouveaux centres depuis 2018, alors que nous en comptions moins de 1 000 avant la réforme. La loi a posé le premier jalon du décollage sans précédent de l'apprentissage, que nous avons connu à partir de 2019.

Au moment où je vous parle, nous atteignons un nombre de contrats historique, 718 000 apprentis ayant débuté une formation en 2021. Contrairement à ce vous avez dit, monsieur Cherpion, aucune stagnation n'est constatée aux niveaux bac et infra-bac. Au contraire, une progression de 50 % du nombre d'apprentis a été enregistrée à ces niveaux de qualification depuis 2017, progression qui s'est accélérée, il est vrai, entre 2020 et 2021. Le nombre des contrats de professionnalisation a par ailleurs augmenté de plus de 20 % entre 2020 et 2021. Incontestablement, cette loi a permis de changer l'image de l'apprentissage auprès des familles et des jeunes. L'apprentissage est désormais considéré pour ce qu'il est : une voie d'excellence en vue d'une insertion durable dans l'emploi.

Vous soulignez, avec raison, la nécessité de ne pas casser la dynamique créée par la loi et par les aides exceptionnelles instaurées dans le cadre du plan de relance. En ce qui concerne la question essentielle de l'orientation des élèves, Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports, a récemment développé plusieurs initiatives, dont la création d'un point d'entrée unique dans les rectorats pour aider les branches à mettre en place des actions de communication permettant d'attirer les jeunes vers les formations en apprentissage, notamment dans les secteurs en tension.

La loi a également concrétisé le droit individuel à la formation, en rénovant le compte personnel de formation. Aujourd'hui, chacun a la possibilité de choisir librement sa formation pour adapter ses compétences et faire évoluer son parcours professionnel. Avec plus de 2 millions d'inscriptions en formation au cours de l'année 2021, contre 630 000 en 2019, le succès du CPF est incontestable. Nous avons véritablement démocratisé l'accès à la formation : toutes les catégories socioprofessionnelles y recourent davantage et l'on observe un rattrapage chez les ouvriers et les employés, lesquels accédaient moins à la formation professionnelle auparavant.

Le rapport souligne que le CPF a « rencontré son public » et propose certaines améliorations que nous approuvons et qui rejoignent le constat des partenaires sociaux. Plusieurs actions ont d'ailleurs déjà été déployées en 2021 : la certification Qualiopi, obligatoire depuis le 1er janvier 2022 et dont vous saluez « l'accueil positif », permet de vérifier que les organismes de formation satisfont certains critères en matière de qualité. Le site moncompteformation.gouv.fr s'attache à rendre plus visible le dispositif du conseil en évolution professionnelle, qui permet à chacun d'être accompagné dans ses choix de formation. Nous considérons, comme vous, qu'il est absolument nécessaire de lutter contre les phénomènes de fraude et de démarchage abusif. Nous travaillons activement pour faire cesser ces abus.

Le double succès de l'apprentissage et du CPF a pesé fortement sur l'équilibre financier de France compétences. Comme le souligne le rapport, les recettes se sont contractées sous l'effet de la crise tandis que les dépenses ont fortement augmenté. Cette évolution traduit le succès du CPF, mais aussi la dynamique exceptionnelle de l'apprentissage. Je tiens à rappeler, à cet égard, que nous avons pris nos responsabilités en prévoyant le versement d'une subvention globale de 2,75 milliards d'euros pour 2021. En 2022, l'État et les partenaires sociaux devront définir les modalités d'une trajectoire soutenable pour l'opérateur.

Ainsi, la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel a donné des leviers aux jeunes et aux actifs pour mieux s'insérer dans la vie professionnelle et devenir les acteurs de leur parcours tout au long de la vie.

Dans son titre II, la loi fait tendre le système d'assurance chômage vers plus d'équité. La réforme du système, pleinement entrée en vigueur depuis le 1er décembre dernier, a instauré un nouveau régime, qui encourage le travail. Par les nouvelles règles de calcul qu'elle instaure, elle incite les salariés à travailler davantage et les employeurs à proposer des contrats plus longs. Ainsi, si la gouvernance rénovée, avec l'établissement d'un document de cadrage, n'a pas pu déboucher sur un accord négocié par les partenaires sociaux, cette réforme essentielle a pu être menée à son terme. Les économies générées contribueront, en outre, au retour à l'équilibre financier de l'UNEDIC dès 2022 – une première depuis 2008. C'est une bonne nouvelle pour la pérennité du système de protection sociale.

La loi a par ailleurs instauré un nouveau droit à l'assurance chômage pour les salariés démissionnaires. Il s'agit d'une avancée importante, qui permet à chacun de prendre son risque et de sécuriser son projet d'évolution ou de reconversion. Comme le relève le rapport, la montée en charge de ce nouveau droit est plus modeste que celle que nous avions anticipée, ce qui s'explique notamment par le contexte sanitaire, peu favorable aux démissions. Nous devons donner encore un peu de temps à ce nouveau droit pour apprécier si ses critères doivent évoluer.

Cette loi ouvre également un droit d'accès à l'assurance chômage, sous certaines conditions, aux travailleurs indépendants. La montée en charge de cette allocation est également plus modeste que nous ne l'avions anticipée. Les mesures de soutien prises pendant la crise, qui ont limité les défaillances d'entreprises, sont un facteur d'explication. Le projet de loi en faveur de l'activité professionnelle indépendante prévoit d'assouplir les conditions d'accès à ce nouveau droit. Permettez-moi, à ce sujet, de saluer les travaux de votre collègue Dominique Da Silva.

Enfin, le titre III vise à améliorer la qualité de l'emploi, notamment pour les publics fragiles. C'est une nouvelle étape vers une société plus inclusive. Bien qu'il soit trop tôt pour mesurer les effets de la réforme de l'obligation d'emploi des travailleurs handicapés (OETH), l'emploi des personnes en situation de handicap progresse : le nombre de demandeurs d'emploi en situation de handicap baisse de manière constante depuis août 2018. La loi a rendu obligatoire la création de référents handicap dans les CFA et dans les entreprises de plus de 250 salariés. Le nombre d'apprentis en situation de handicap a par ailleurs augmenté de près de 80 % entre 2019 et 2021. Cette loi a aussi permis d'offrir des trajectoires professionnelles aux personnes en situation de handicap en réformant le cadre des entreprises adaptées (EA) : 40 % d'entre elles ont adopté le dispositif du « CDD tremplin » pour faciliter les transitions professionnelles de ces personnes.

La loi a ensuite renforcé les outils de lutte contre les abus liés au détachement des travailleurs. Ces outils complètent l'arsenal juridique dont dispose l'Inspection du travail pour s'assurer du respect des règles d'une concurrence loyale.

Enfin, ce texte a créé l'index de l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, qui permettra, à terme, de garantir l'égalité de rémunération entre les sexes. Cet index, désormais entré dans les mœurs, est unanimement salué, tant par les partenaires sociaux que par les chefs d'entreprise, les directeurs des ressources humaines et les salariés. Il produit de bons résultats si l'on en croit la hausse régulière du niveau des notes et du nombre d'entreprises déclarantes. Nous prenons acte des recommandations du rapport visant à renforcer la portée et la pertinence de certains indicateurs. Ces évolutions pourront être intégrées aux échanges avec les partenaires sociaux, dans un souci constant d'amélioration de l'index, ainsi qu'aux réflexions menées au niveau européen sur le projet de directive sur la transparence salariale. La loi du 24 décembre 2021 visant à accélérer l'égalité économique et professionnelle a renforcé les obligations liées à l'index de l'égalité professionnelle. Je salue, à ce titre, le travail remarquable mené par votre collègue Marie-Pierre Rixain.

Mesdames et messieurs les députés, la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel est une grande et belle loi, qui a permis une transformation profonde de notre appareil de formation et de notre modèle social et qui donne à chacun l'occasion de s'émanciper par son travail en concrétisant ses souhaits d'évolution professionnelle. Il nous faut bien sûr poursuivre cet élan et certains dispositifs évolueront peut-être pour nous permettre d'aller plus loin, ce que vous soulignez à juste raison – je pense à la promotion par alternance (Pro-A) et surtout à la VAE, à laquelle je crois beaucoup. Au fond, cette loi continue de nous inspirer. Notre démarche, depuis près de cinq ans, est de donner aux actifs la capacité de rester libres dans leur parcours professionnel, tout en étant orientés et accompagnés dans leurs choix, en disposant des moyens pour progresser. Le travail et la formation sont des leviers puissants d'émancipation individuelle, de mobilité sociale et de cohésion nationale.

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