Intervention de Jean-Félix Acquaviva

Séance en hémicycle du mercredi 2 février 2022 à 15h00
Évolution de la santé psychique

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Félix Acquaviva :

Depuis le début de la crise sanitaire, l'épidémie de covid nous a contraints à parer à l'urgence et à prendre des mesures extraordinaires pour préserver la santé physique de tous au risque de dégrader notre bien-être psychique. Depuis le premier confinement, toutes les dispositions prises nous contraignent à diminuer les relations sociales et notre activité physique au nom des gestes barrières. Elles ont entraîné du stress, de l'anxiété, de la dépression et n'ont pas été sans conséquence en matière de reports de soins et de retards dans les dépistages et les prises en charge. L'impact de la crise est majeur sur ceux qui étaient déjà en situation de vulnérabilité. Les segments de population les plus exposés sont les jeunes, les étudiants, les personnes en difficulté financière, les inactifs et demandeurs d'emploi ainsi que les personnes ayant déjà souffert par le passé de troubles psychologiques.

Tout est devenu source d'angoisse : sa santé et celle de ses proches, mais aussi sa situation économique. Que dire également des sentiments de frustration, de colère, d'impuissance éprouvés face à cette crise qui n'en finit pas ? Le sentiment de solitude, voire d'isolement, a été un facteur aggravant, la situation de nos aînés, chez qui les phénomènes de glissement ont été nombreux, étant à cet égard particulièrement préoccupante. Quant aux tout-petits, ils nous disent avec leurs mots qu'ils sont tristes de ne plus pouvoir jouer ensemble, de ne plus pouvoir voir leurs copains. Ne minimisons pas leur souffrance.

Par ailleurs, ce n'est pas parce qu'ils ont repris le chemin de la fac que les étudiants n'ont plus de problèmes de santé mentale. Plus d'un tiers d'entre eux souffrent de troubles dépressifs, lesquels risquent de s'aggraver avec le temps. Or il semblerait que seulement 14 000 étudiants ont bénéficié du chèque psy alors que l'on estime à 2,7 millions le nombre de jeunes en proie à une santé mentale fragile. Un certain nombre de psychologues se seraient d'ailleurs retirés du dispositif. Monsieur le secrétaire d'État, quelle pérennité envisagez-vous pour ce dernier ?

Ces difficultés se sont ajoutées à celles préexistantes à la crise, et ce alors que le champ de la psychiatrie souffrait déjà depuis longtemps. Dans notre pays, 30 % des postes de praticiens sont vacants et de nombreux postes d'internes ne sont pas pourvus. La pénurie de psychiatres est telle que des établissements sont contraints de fermer des lits ou de fusionner. Ma collègue Jennifer De Temmerman vous alertait il y a quelques mois sur la situation de Bailleul, mais nous observons le même phénomène dans tous les territoires.

La psychiatrie, en effet, ne séduit plus les étudiants. Comment pourrait-il en être autrement compte tenu du faible niveau des salaires et de la détérioration des conditions de travail ? Or la crise entraîne une saturation des établissements. Nous constatons encore aujourd'hui une augmentation des tentatives de suicide chez les moins de 15 ans, notamment chez les jeunes filles. Dans les services de pédopsychiatrie, les demandes de prise en charge ont augmenté de 40 % depuis deux ans. Le Gouvernement avait pourtant annoncé faire de la santé mentale un axe majeur de sa stratégie nationale Ma santé 2022. D'ailleurs, nos collègues ont été nombreux à produire des rapports sur lesquels pourraient se fonder une réforme ambitieuse. Mais force est de constater qu'au-delà de quelques mesures, et malgré une nouvelle enveloppe de 40 millions d'euros, nous ne verrons pas notre système de soins en psychiatrie bénéficier d'un plan d'ampleur. Les assises de la santé mentale sont intervenues tardivement dans le quinquennat, laissant finalement peu de temps pour en tirer les leçons ; nous le regrettons.

Un dispositif était très attendu, celui de la prise en charge des consultations chez le psychologue. Il a été introduit dans le dernier projet de loi de financement de la sécurité sociale, mais ne tient pas compte des demandes et des inquiétudes des professionnels. Les parcours proposés, qui mettent le généraliste au cœur du dispositif, sont trop lourds et inadaptés aux besoins des patients. Les tarifs des consultations sont trop faibles pour attirer les psychologues. Les expérimentations menées jusqu'ici n'ont pas convaincu les professionnels, puisque seuls 5 % de ceux d'entre eux qui y étaient éligibles y ont participé. Nous craignons que le dispositif proposé soit mal calibré et passe à côté de l'objectif de rendre la psychologie accessible à tous.

L'épidémie de covid-19 a révélé à nouveau l'urgence du problème posé par la santé mentale, elle qui a longtemps été le parent pauvre de la politique de santé publique. Nous porterons encore longtemps, individuellement et collectivement, les stigmates de cette crise sans précédent. Il nous revient de réagir et de ne pas laisser notre santé psychique au second plan.

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