Intervention de Annie Chapelier

Séance en hémicycle du mercredi 2 février 2022 à 15h00
Évolution de la santé psychique

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAnnie Chapelier :

Je tiens d'abord à remercier le groupe Socialistes et apparentés d'avoir inscrit ce débat à l'ordre du jour de la dernière semaine de contrôle de la législature. C'est un sujet éminemment important, qui a longtemps constitué un angle mort de nos politiques publiques et qui mérite d'être débattu par la représentation nationale. Depuis deux ans, la pandémie a profondément affecté la santé mentale des Français. Nous ne faisons d'ailleurs pas figure d'exception : le phénomène est global. L'Organisation mondiale de la santé (OMS) constate d'ailleurs une aggravation des difficultés d'accès aux soins psychiques partout dans le monde.

Permettez-moi de citer celui qui n'a pas manqué un seul de nos débats depuis près d'un siècle et demi – je parle bien sûr d'Aristote, le monsieur avec la toge bleue qui nous observe depuis la tapisserie L'École d'Athènes – et pour qui l'homme est un être sociable, que la nature a fait pour vivre avec ses semblables. Dès lors, les confinements, couvre-feux et fermetures de lieux de convivialité, qui étaient bien entendu nécessaires pour freiner la propagation du virus, et donc sauver des vies, ont aussi considérablement affecté le moral de nos concitoyens. À la raréfaction de liens sociaux se sont ajoutées l'inquiétude pour soi et pour ses proches et l'anxiété de tomber malade, ajoutées à une moindre activité physique, une exposition accrue aux écrans et une recrudescence des pratiques addictives.

Ces difficultés ont été exacerbées au début de la crise, alors que les mesures d'isolement étaient au plus fort. Pour les plus précaires, cela signifiait la promiscuité subie dans les petits appartements et l'insécurité économique ; pour les étudiants, la perte de petits boulots, l'annulation des projets de mobilité internationale et l'impression de passer à côté de leurs plus belles années ; pour les enfants, enfin, la disparition des récréations et des liens sociaux, et le repli sur la cellule familiale.

Une conjugaison de situations très hétérogènes, de ruptures affectives, sociales ou scolaires a ainsi frappé de manière inégale nos concitoyens selon leur âge, leur niveau de vie ou leur lieu de résidence. Les expressions de mal-être, voire de détresse psychologique, ont ainsi surtout augmenté chez les jeunes et les personnes en situation de précarité. Je n'oublie pas non plus les malades du covid qui ont, eux aussi, été plus exposés que les autres à l'augmentation des pathologies mentales. Deux ans après le début de l'épidémie, les chiffres sont toujours à des niveaux inquiétants : 18 % des Français présentent des signes de troubles dépressifs et 23 % un état anxieux, soit près de dix points de plus qu'en 2019.

Si le problème posé par la santé mentale est déjà identifié de longue date, la crise a permis de nous faire prendre conscience plus rapidement qu'il est nécessaire d'en faire une priorité de nos politiques de santé publique. Les dépenses de santé mentale, avec plus de 23 milliards d'euros chaque année, constituent en effet notre premier poste de dépenses de santé devant les cancers et les maladies cardio-vasculaires. Alors que la santé mentale est souvent considérée comme le parent pauvre de la médecine, la pandémie a ainsi mis en évidence les difficultés structurelles de nos dispositifs de prise en charge, mais aussi – et peut-être surtout – de nos dispositifs de prévention.

Conscient des conséquences que les confinements successifs allaient entraîner sur la santé mentale des Français, le groupe Agir ensemble a été en alerte depuis le début et s'est montré force de propositions auprès du Gouvernement. Nous avons salué et soutenu avec vigueur les différentes mesures que ce dernier et sa majorité ont prises pour y faire face. Je pense bien sûr à la feuille de route de la santé mentale et de la psychiatrie, qui fixe depuis 2018 des objectifs et une méthode claire pour repérer précocement les troubles psychiques et améliorer le parcours de soins et l'inclusion des personnes malades. Je pense aussi au Ségur de la santé, qui permet de renforcer la présence de psychologues dans les centres médico-psychologiques et les maisons de santé pluridisciplinaires. Je pense enfin aux mesures annoncées en septembre par le Président de la République en clôture des assises de la santé mentale et de la psychiatrie. Toutes ces mesures vont dans le bon sens ; elles montrent notre détermination à agir pour la santé mentale des Français, mais nécessitent d'être encore et toujours renforcées.

Monsieur le secrétaire d'État, je voudrais vous interroger sur l'état de santé mentale des enfants qui ont été particulièrement touchés par les conséquences de la crise sanitaire. La pédopsychiatrie concentre plusieurs difficultés anciennes et structurelles que vous ne méconnaissez pas. Je pense notamment aux délais d'attente dans les centres médico-psychologiques – CMP – infanto-juvéniles qui sont parfois beaucoup trop longs pour permettre une prise en charge de qualité. Dès lors, quelles sont vos pistes d'action pour agir dès le plus jeune âge en faveur de la santé mentale ?

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