Intervention de Jean-Yves le Drian

Séance en hémicycle du mardi 1er février 2022 à 15h00
Influence de la diplomatie française

Jean-Yves le Drian, ministre de l'Europe et des affaires étrangères :

Une priorité de la présidence française du Conseil de l'Union européenne, enfin, qui permettra à la France, en raison de ses responsabilités, de donner les impulsions nécessaires en la matière. C'est dans ce cadre que j'ai ouvert hier au Louvre – je pourrais, monsieur Lecoq, vous donner des explications si ce n'est pas clair –, aux côtés de la ministre de la culture, la deuxième conférence des donateurs de l'ALIPH. L'objectif est de réhabiliter des sites qui ont été détruits par des attentats – tels que celui de Mossoul –, grâce aux financements que nous collectons. Cette initiative française menée par le Quai d'Orsay, que j'assume complètement, vise à permettre aux habitants de ces régions de retrouver leurs repères, leur histoire et leur culture : cette tâche est noble.

Notre outil d'influence doit constituer également une priorité de longue durée pour le Quai d'Orsay : c'est tout le sens de la feuille de route de l'influence que vous avez évoquée les uns et les autres. Elle s'appuie sur une série de constats, qui font ressortir les atouts et les défis du dispositif d'influence français et qui appellent une modernisation de nos méthodes. La France occupe une place singulière et reconnue dans la géopolitique mondiale de l'influence – plusieurs d'entre vous l'ont souligné –, et nous devons moderniser notre action.

Même si ce travail est engagé depuis 2017, nous devrons, dans les années à venir, faire émerger les prochaines générations de francophiles en allant au-devant de nouveaux publics et en projetant l'excellence universitaire française dans les pays d'Afrique – j'ai souhaité donner cette impulsion –, notamment au Sénégal avec le campus universitaire franco-sénégalais, en Côte d'Ivoire avec le hub franco-ivoirien ou encore à Maurice où des dispositifs proches sont déployés. Nous devons projeter l'excellence française en Afrique non seulement pour accroître notre attractivité vis-à-vis des jeunes africains mais également pour faire en sorte que la formation s'adresse aux Européens qui étudieraient au sein de l'université franco-sénégalaise que nous avons créée. Une initiative en ce sens est souhaitable.

Dans le même ordre d'idées, il nous faut repenser nos pratiques en profondeur, comme nous l'avons fait en lançant il y a quelques mois une villa française d'un genre nouveau : la villa Albertine qui – si vous m'autorisez une métaphore en ces temps de covid-19 – a complètement déconfiné le concept même de résidence, en se projetant sur l'ensemble du territoire des États-Unis à partir de dix lieux différents, dans une logique « hors les murs » qui conduit nos artistes et nos intellectuels au cœur de la société américaine.

Nous devons aussi tirer tous les enseignements de la crise pandémique et enrichir notre offre numérique, tant dans les domaines culturel qu'éducatif. Nous y travaillons, en lien avec l'Institut français de Paris qui est l'opérateur-pivot de notre diplomatie d'influence.

Pour accroître la force de frappe française sur le terrain, nous devons renforcer l'unité et la coordination de « l'équipe France » de l'influence, en fédérant ses différents acteurs : je pense notamment – je sais qu'Alain David est très sensible à ce sujet – à l'intégration de CFI, l'agence française de développement médias, au groupe France Médias Monde – cette intégration essentielle a été opérée il y a peu de temps – pour donner une force supplémentaire à sa dynamique.

Enfin, dans un contexte si concurrentiel et si compétitif, l'influence ne s'improvise pas : c'est pourquoi il nous faut, au sein du Quai d'Orsay, améliorer la formation aux métiers de l'influence, aussi bien pour constituer une vraie filière des « diplomates d'influence » que pour faire de ce concept un réflexe pour l'ensemble de nos agents. Ce sera l'une des missions de la nouvelle école diplomatique et consulaire que j'inaugurerai dans quelques semaines et qui permettra de renforcer considérablement les modules de formation initiale et continue destinés à tous les agents du Quai d'Orsay sur les sujets européens et internationaux.

Au-delà de ces constats et de ces impératifs de méthode, notre feuille de route fixe des orientations stratégiques. Afin d'affirmer l'indispensable présence de la France dans le débat d'idées international, nous devons peser davantage sur la définition des nouvelles normes juridiques grâce à une politique active d'influence par le droit, qui me paraît un enjeu considérable pour les années à venir : le droit devient lui aussi un objet de compétition stratégique voire d'instrumentalisation à des fins politiques.

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