Intervention de Sylvia Pinel

Séance en hémicycle du lundi 31 janvier 2022 à 16h00
Mal-logement

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSylvia Pinel :

Tout d'abord, je remercie le groupe La France insoumise pour l'inscription du débat sur la politique du logement à l'ordre du jour de notre assemblée.

Disposer d'un logement décent, c'est une aspiration élémentaire. Pourtant, plus de 4 millions de personnes en France n'ont pas d'habitat ou souffrent de conditions de logement dégradées. Bien entendu, la crise sanitaire est venue aggraver ces difficultés. Elle a isolé encore un peu plus les personnes sans abri et a rendu difficile la vie des millions de Français confinés dans des espaces trop restreints parfois insalubres.

Le retour de l'activité économique à la normale portait avec lui les espoirs d'une amélioration de la situation. Hélas, au quotidien, nos concitoyens continuent de subir les conséquences de la crise du logement. L'augmentation continue des prix des loyers retarde l'accès à l'autonomie des étudiants et des jeunes actifs. La hausse des prix de l'énergie est synonyme de fins de mois difficiles pour les ménages précaires. Les services d'accès aux droits et l'accompagnement social sont chaque jour plus engorgés. Ces difficultés sont anciennes et bien connues.

Bien sûr, il n'y a pas de remède facile mais ce quinquennat s'achève sans avoir amélioré la donne. Les promesses d'un choc de l'offre et d'une forte montée en puissance du logement ont été déçues. Tout d'abord, je reconnais une augmentation importante des capacités du parc d'hébergement d'urgence généraliste, dont le nombre de places est passé de 130 000 à 200 000. Reste que les solutions pérennes sont toujours trop limitées. La preuve en est : les nuitées hôtelières ont progressé au même rythme que l'ensemble du parc d'hébergement et le nombre de places en centre d'hébergement et de réinsertion sociale est demeuré quasiment stable. Pour une grande partie d'entre eux, les plus précaires restent cantonnés à des solutions d'urgence qui ne leur permettent pas de sortir de la crise.

Par ailleurs, en dépit de besoins évidents en matière de production de logements abordables, le Gouvernement n'a cessé de fragiliser les bailleurs sociaux. Dès les premiers mois du quinquennat, vous avez diminué le montant des APL de 5 euros et imposé la réduction du loyer de solidarité, qui a pesé 1,3 milliard d'euros par an sur les finances des bailleurs sociaux. Sans surprise, la production de logement social a dégringolé. En 2021, on dénombre environ 95 000 agréments de logements sociaux. Nous sommes bien loin du pic de 123 000 agréments atteint en 2016, mais également très éloigné de l'objectif de 125 000 que vous vous étiez fixé. Les conséquences de cette politique sont visibles. Aujourd'hui, le parc de logement social est largement insuffisant pour faire face à la demande grandissante des nombreux publics désignés prioritaires. Cela remet en cause l'effectivité du droit au logement opposable qui devient, comme n'a pas manqué de le relever la Cour des comptes, une source de désillusions.

Pour être objective et juste, il est vrai, madame la ministre déléguée, que certaines décisions prises en fin de quinquennat vont dans le bon sens. La loi de finances pour 2022 prévoit une compensation intégrale de l'exonération de taxe foncière sur les propriétés bâties – TFPB – pour le logement social intermédiaire, ce qui devrait redonner un peu d'air aux bailleurs. La prolongation de la loi SRU serait également une bonne nouvelle si était votée la version de cette disposition adoptée par l'Assemblée nationale, issue du projet de loi 3DS.

Toutefois ces mesures sont tardives alors que la politique du logement s'inscrit dans un temps long. Du reste, elles ne permettront pas de redresser la barre d'un quinquennat caractérisé par des sous-investissements et des coupes budgétaires affectant certains dispositifs qui ont pourtant fait leurs preuves. Je regrette qu'il ait été mis fin ou que vous ayez raboté un certain nombre d'outils d'accession à la propriété, retardant l'achat d'une maison ou d'un appartement par certaines personnes. Par effet de cascade, cela revient à empêcher les plus fragiles de disposer d'un toit. En effet, assurer un habitat digne à tous nécessite d'agir sur l'ensemble des segments de la politique du logement, afin de faciliter la fluidité des parcours résidentiels.

Enfin, subir le mal-logement, c'est aussi vivre au quotidien dans des habitations insalubres, mal isolées ou aux surfaces trop petites. En matière de lutte contre l'habitat indigne, les efforts doivent être accentués afin de mieux identifier les logements concernés, notamment dans le parc privé. Pour ce qui est de la rénovation énergétique, des mesures ont été prises. Néanmoins, les dispositifs d'aide comme MaPrimeRénov' ciblent toujours 86 % de gestes simples de rénovation isolés, peu performants, ayant peu d'impacts sur les dépenses énergétiques et le confort. Les travaux restent souvent d'ailleurs trop chers pour les ménages les plus modestes.

Enfin, concernant l'amélioration de la qualité de l'habitat, l'une de vos grandes propositions est la refonte du dispositif qui porte mon nom. Je redoute qu'en restreignant à l'excès les critères pour en bénéficier, vous ne portiez atteinte aux incitations à la construction et, à terme, à l'accès de tout un chacun à un logement. En réalité, la volonté du Gouvernement est de réaliser des économies budgétaires en complexifiant l'accès et en définissant des critères qui ne peuvent être atteints que difficilement.

Parce que le choc de l'offre promis se fait toujours attendre, que le plan « logement d'abord » ne s'est pas traduit par des solutions d'habitat pérenne et que les plus pauvres restent les grands oubliés de ces cinq dernières années, ce quinquennat aura été celui des ambitions déçues en matière de logement. Il est grand temps que cette question redevienne une priorité de nos politiques publiques.

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