Intervention de Valérie Rabault

Séance en hémicycle du lundi 31 janvier 2022 à 16h00
Avenir du secteur aéronautique

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaValérie Rabault :

Tout d'abord, je veux remercier nos collègues du groupe Libertés et territoires qui, par la voix de Sylvia Pinel, ont choisi de lancer ce débat sur la filière aéronautique.

Celle-ci est au carrefour de nombreux enjeux. Sur le plan économique, elle a été très affectée par la crise sanitaire : le trafic aérien international de passagers a baissé de 60 % en 2020. En dépit de la reprise progressive constatée l'an dernier, son niveau de septembre 2021 restait très inférieur à ce qu'il était en septembre 2019.

Le secteur est aussi impliqué dans la transition écologique puisqu'il représente 6,4 % du total des émissions de CO2 de notre pays.

Il est partie prenante de la compétition mondiale : si deux entreprises se disputent le marché de la construction d'avions de ligne, de nouveaux entrants sont quasiment aux portes de ce marché.

Enfin, il touche à des enjeux de recherche et développement. Rappelons-le, l'Occitanie est la seule région française où l'effort de R&D publique et privée dépasse 3 % du PIB régional. Elle est aussi la seule à figurer parmi les vingt régions européennes qui investissent le plus en R&D. Cet effort est majoritairement le fait du secteur de l'aéronautique.

Pour répondre à ces enjeux, il faut faire deux choix sur lesquels je souhaite vous interroger, monsieur le ministre délégué : investir dans la recherche afin de créer un avion vert ; développer une stratégie de souveraineté économique.

Commençons par la souveraineté. En application du décret Montebourg, les investissements étrangers franchissant un certain seuil et réalisés dans des sociétés françaises aux activités sensibles doivent être soumis à l'autorisation préalable du ministre de l'économie et des finances. En 2019, vous avez décidé d'étendre le périmètre des secteurs d'activité concernés par ce décret pour y ajouter la santé – ce dont je vous remercie, même si c'était bien normal. Pourquoi refusez-vous d'y inclure l'aéronautique ? Des investisseurs turcs, c'est-à-dire non européens, peuvent ainsi faire leur marché et acheter des PME françaises sans que Bercy le voie et ait donné son autorisation. C'est inacceptable.

Tous les acteurs de la filière vous ont déjà demandé d'inclure l'aéronautique dans le périmètre de ce décret. L'Union européenne n'y est pas très favorable, allez-vous me dire. Quoi qu'il en soit, il faut assumer de protéger nos pépites, les PME de nos territoires qui sont en train de se faire acheter par des investisseurs non européens sans que vous en ayez la moindre idée.

Quant au soutien financier à la filière aéronautique, il doit reposer sur deux grands axes : la structuration de la filière et l'investissement en R&D.

La structuration de la filière se fait par le biais du fonds d'investissement Ace Aéro Partenaires, lancé le 30 juillet 2020 et doté de 750 millions d'euros – un tiers de ce montant a déjà été alloué.

Selon le modus operandi adopté, il me semble que la plupart des opérations ont été réalisées par le biais d'obligations convertibles, ce qui présente l'avantage de mêler dette et capital. C'est très bien mais, comme vous le savez mieux que quiconque, le diable est parfois dans les détails : dans certains cas, les strikes de ces obligations convertibles font que les dirigeants historiques des PME concernées se retrouvent dépossédés ou dotés d'une participation très réduite.

Je souhaite donc que vous dressiez un état des lieux, tout simplement parce que l'État est actionnaire – il a apporté 200 millions des 750 millions d'euros du fonds – et que, dans ces conditions il doit avoir, ce me semble, son mot à dire.

Pour ce qui est du financement de la recherche, comme cela a été dit, le Gouvernement avait annoncé, dans le cadre du plan de soutien au secteur aéronautique présenté en juin 2020, un investissement de 1,5 milliard d'euros au bénéfice du CORAC pour financer la recherche. Il est vrai que cet objectif a été tenu, au moins pour ce qui est des autorisations d'engagement : les crédits engagés sur les trois exercices concernés ont atteint 1 milliard d'euros – et pas tout à fait 1,5 milliard.

Au-delà de cet effort français, l'Europe n'a pas consacré 1 euro à la recherche sur l'avion vert. Il se trouve cependant que vous réunirez un sommet européen de l'aviation les 3 et 4 février prochains à Toulouse. Quelle y sera la position du Gouvernement ? Pouvez-vous indiquer l'enveloppe d'investissement que vous entendez consacrer au développement de l'avion vert et les sommes sur lesquelles nos partenaires sont prêts à s'accorder sur ce thème ?

À titre de comparaison, je rappelle que les États-Unis ont déployé des montants conséquents pour assurer la sauvegarde de l'aéronautique – je n'y reviendrai pas –, en imposant des contreparties aux compagnies aériennes, qui devaient assurer un service minimum et limiter la rémunération des cadres dirigeants ainsi que les rachats d'actions et les licenciements. Ces conditions n'ont pas eu d'équivalent en France.

Enfin, la nécessité de relever le défi de l'avion vert a été bien perçue aux États-Unis, puisque Joe Biden s'est fixé pour objectif, dans le plan présenté le 9 septembre dernier, de réduire à zéro les émissions de CO2 du secteur aéronautique en 2050 et de les faire baisser de 20 % d'ici à 2030, en prévoyant pour ce faire des investissements conséquents.

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