Intervention de Emmanuelle Ménard

Séance en hémicycle du mercredi 26 janvier 2022 à 15h00
Choix du nom issu de la filiation — Article 1er

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaEmmanuelle Ménard :

Cette proposition de loi est présentée comme un texte de simplification, mais convenez qu'il ne s'agit pas que de cela. Elle suscite beaucoup d'interrogations et elle est loin d'être anodine, car elle aura des conséquences importantes. Monsieur le garde des sceaux, si l'on s'en tient aux exemples que vous avez donnés, les choses paraissent évidentes. Nous sommes touchés par l'exemple de cette femme qui a divorcé et doit prouver en permanence qu'elle est bien la mère de ses enfants car elle ne porte plus le même nom qu'eux, ou par l'exemple de ceux qui portent le nom de leur bourreau. Dans ces cas-là, évidemment, il faut faire évoluer la loi : des démarches sont déjà possibles, mais on peut envisager de les simplifier. Soit.

Toutefois, votre proposition de loi pose également de vraies questions, auxquelles il n'a pas été répondu en commission, et encore moins dans l'étude d'impact, puisqu'il n'y en a pas. D'un point de vue philosophique, le nom du père est un moyen de reconnaître ce dernier dans la filiation et ce n'est pas neutre. Cette proposition de loi ne va-t-elle pas bouleverser encore davantage la construction de l'identité ? Sylviane Agacinski relève ainsi : « L'état civil, c'est l'institution de la personne dans son identité sociale, son inscription symbolique dans une généalogie, un ordre qui ne dépend pas d'elle, et chacun ne peut pas décider de la loi commune. »

Monsieur le rapporteur, je vous ai également posé quelques questions en commission. Par exemple, cette proposition de loi ne permettra-t-elle pas à des débiteurs de se soustraire plus facilement à leurs obligations, voire – nous avons déjà vu de tels cas – à des délinquants d'échapper à des poursuites judiciaires ?

Quelles seraient les conséquences sur l'organisation de l'État si les Français changeaient massivement de nom de famille, lequel constitue aussi un outil de police générale ? La proposition de loi part évidemment d'une bonne intention, mais elle soulève des questions qui sont loin d'être mineures et dont les conséquences, loin d'être anodines, pourraient, contrairement aux apparences, n'apparaître que dans quelques années.

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