Intervention de Vincent Thiébaut

Séance en hémicycle du mercredi 26 janvier 2022 à 15h00
Compétences de la collectivité européenne d'alsace — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaVincent Thiébaut, rapporteur de la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire :

Ce projet de loi doit faire aboutir un projet très attendu par la population alsacienne et ses élus locaux. Cette attente date de la mise en place, en 2005, d'une taxe sur les poids lourds empruntant le réseau routier de l'Allemagne, qui a conduit à des reports de trafic sur les routes alsaciennes, entraînant leur saturation, notamment aux heures de pointe. En 2006, une loi a été adoptée pour permettre l'expérimentation d'une taxe sur les poids lourds empruntant le réseau routier alsacien. Cependant, le dispositif n'a jamais été instauré. Une généralisation à la France entière a ensuite été prévue – je fais bien sûr référence à la fameuse écotaxe –, mais le dispositif a été supprimé par la loi du 29 décembre 2016.

De ce fait, il a fallu attendre près de quinze ans pour élaborer un dispositif à même de réguler le transport routier sur les routes alsaciennes. Grâce au gouvernement d'Édouard Philippe – notamment la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, Jacqueline Gourault – et sur l'impulsion du président Emmanuel Macron, l'Alsace a retrouvé, avec la CEA, un contour institutionnel et s'est vue dotée de compétences dont même l'ancienne région ne disposait pas, avec notamment le transfert de la propriété entière des routes et autoroutes non concédées, classées dans le domaine public routier national et situées sur son territoire.

La loi du 2 août 2019 a aussi prévu le transfert à l'eurométropole de Strasbourg des routes et autoroutes de même nature situées sur son territoire. Elle a enfin habilité le Gouvernement à prendre une série d'ordonnances destinées à compléter le dispositif.

Le présent projet de loi tend donc à ratifier ces ordonnances prises sur le fondement de la loi d'août 2019, en particulier l'ordonnance du 26 mai 2021 qui fixe le cadre de la taxe sur les poids lourds que la collectivité européenne d'Alsace pourra instaurer. Ce n'est pas un sujet anecdotique. L'Alsace doit servir d'exemple aux régions qui se saisiront des possibilités offertes à l'article 137 de la loi du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets pour instaurer une taxe similaire.

C'est pourquoi je me réjouis que le Sénat ait enrichi le texte. Ainsi, la commission du développement durable a adopté sans modification l'article 1er bis qui permet à la collectivité européenne d'Alsace de moduler les taux kilométriques de la taxe en fonction des saisons ; l'article 1er nonies qui augmente les majorations pour retard de paiement lorsque des sommes importantes sont dues ; l'article 1er terdecies qui accroît le montant des amendes infligées en cas de manipulation visant à éluder le paiement de la taxe de l'équipement électronique embarqué ou de falsification des documents de bord nécessaires pour déterminer la catégorie ou la classe d'émission Euro de véhicules ; l'article 1er septdecies A qui élargit aux sociétés donneuses d'ordre la consultation préalable à l'instauration de la taxe.

Lors de l'examen en commission, nous avons également adopté une série d'amendements particulièrement utiles et bienvenus sur certains articles pour rendre le dispositif le plus adéquat possible. Ainsi, l'article 1er octodecies crée un comité pour faciliter la concertation entre l'ensemble des collectivités territoriales de la collectivité européenne d'Alsace et avec les collectivités territoriales limitrophes. L'article 1er sexies permet à collectivité européenne d'Alsace d'utiliser le ticketing, solution alternative à celle du dispositif de télépéage, qui permet aux utilisateurs occasionnels du réseau d'acheter à l'avance un ticket de circulation. L'article 4 précise les modalités de sanction et de contrôle de l'interdiction de circulation des véhicules de transport routier de marchandises en transit sur certaines routes de l'eurométropole de Strasbourg. La commission a réécrit l'article en conservant le principe du contrôle automatisé tout en supprimant les dispositions les plus détaillées encadrant le dispositif, calquées sur celles applicables au contrôle automatisé dans les zones à faibles émissions mobilité. Celles-ci ne pouvaient être appliquées de manière automatique au cas d'espèce.

Par ailleurs, la commission a supprimé ou modifié les dispositions qui ne lui semblaient plus opportunes sur le plan juridique ou politique. Tel fut le cas de l'article 1er bis A qui permet d'appliquer la taxe dès que le poids total en charge autorisé du véhicule est supérieur ou égal à 2,5 tonnes. En effet, cet article anticipait l'éventuelle révision de la directive « eurovignette », ce qui n'est pas souhaitable du point de vue de la lisibilité du droit et de la qualité de la norme. Mais surtout, il pénaliserait fortement les artisans locaux qui utilisent des véhicules utilitaires légers.

La commission a également supprimé l'article 1er duodecies qui appliquait à la taxe prévue par l'ordonnance du 26 mai 2021 les dispositions relatives aux conditions d'instauration des dispositifs de contrôle automatique introduites par la loi LOM pour l'application des zones à faibles émissions mobilité. L'ordonnance du 26 mai 2021 prévoit déjà le recours à un dispositif de contrôle automatique.

La commission a modifié l'article 1er quaterdecies relatif à la récidive en conservant le principe d'une majoration de l'amende, tout en supprimant la peine de six mois d'emprisonnement que nous jugions largement excessive. Si le dispositif créé doit permettre de garantir le paiement de la taxe par les entreprises, aucun risque d'emprisonnement ne doit peser sur les conducteurs.

Enfin, toujours dans le but d'améliorer la qualité juridique de l'ordonnance du 26 mai 2021, la commission a adopté les articles 1er terdecies A et 1er terdecies B. Le premier tend à modifier l'article 41 de l'ordonnance du 26 mai 2021 pour préciser que la collectivité européenne d'Alsace peut appliquer la procédure de taxation d'office quel que soit le mode de constatation de l'irrégularité – que le contrôle soit ou non réalisé par une personne physique. Le second tend à modifier l'article 44 de l'ordonnance du 26 mai 2021 pour permettre à la collectivité européenne d'Alsace de déterminer le montant des frais de dossier en cas de mise en œuvre de la procédure de taxation d'office.

Pour parachever le travail de sécurisation juridique et d'amélioration du texte issu de la commission, je vous proposerai d'adopter une série d'amendements rédactionnels ainsi que des amendements améliorant la rédaction de l'article relatif au rapport sur l'application de la taxe. Ce dernier pourra ainsi être publié plus rapidement et comprendre davantage d'éléments.

Je remercie l'ensemble des personnes qui ont travaillé à mes côtés pour élaborer, enrichir et sécuriser juridiquement le texte, notamment les services de l'Assemblée nationale et toutes les personnes que nous avons auditionnées. Je remercie la collectivité européenne d'Alsace qui a largement contribué à sécuriser le texte et a validé les dispositifs que nous avons instaurés ; les sénateurs qui ont participé et qui, informés du projet, ont validé l'ensemble des propositions que nous avons faites ; le Gouvernement pour sa capacité d'écoute.

Ce texte tend à donner à la communauté européenne d'Alsace la capacité d'appliquer un système de régulation du trafic. Après le vote du Sénat, qui sera, je l'espère, conforme, il reviendra à la CEA d'agir. Elle disposera de tous les moyens et outils nécessaires afin d'œuvrer, sur son réseau routier, dans l'intérêt de la population alsacienne.

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