Intervention de Valérie Six

Séance en hémicycle du mercredi 26 janvier 2022 à 15h00
Ratification de l'ordonnance relative aux modalités de représentation des travailleurs indépendants recourant aux plateformes — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaValérie Six :

Après l'ère du numérique, voici l'ère des plateformes numériques. Depuis quelques années, nous assistons à une augmentation exponentielle du nombre de plateformes de travail et des travailleurs indépendants qui y proposent leur service. Ces plateformes ont émergé sous l'effet combiné de la création du statut d'autoentrepreneur, du développement d'internet et de l'émergence de besoins spécifiques des urbains. Ils seraient 200 000 chauffeurs de VTC ou livreurs de repas à deux roues.

Ce modèle offre de nouvelles opportunités professionnelles à de nombreux travailleurs, notamment à celles et ceux qui veulent échapper aux contraintes du salariat avec ses horaires fixes. Ce travail peut constituer leur activité principale ou leur apporter un complément de revenu. Cependant, ces femmes et ces hommes ont un statut bien souvent précaire. Ils n'ont pas de protection sociale, pas de protection en cas d'accident du travail ou de maladie professionnelle. La plupart exerçant sous le régime de la microentreprise, ils ne bénéficient pas des garanties accordées par le code du travail en ce qui concerne la rémunération ou encore la rupture du contrat.

La présente version du projet de loi, issue des débats en commission mixte paritaire, a pour objectif d'accompagner le développement de ce nouveau modèle économique, qui est une source d'emploi, tout en garantissant un socle de droits aux travailleurs concernés. Le groupe UDI et indépendants partage évidemment cet objectif.

Concrètement, le texte fixe les modalités de désignation des représentants des travailleurs indépendants recourant pour leur activité aux plateformes et créé l'Autorité des relations sociales des plateformes d'emploi, chargée d'organiser de tels scrutins et d'autoriser la rupture de la relation commerciale entre une plateforme et un représentant des travailleurs.

Nous saluons toute mesure améliorant les droits et les protections des travailleurs des plateformes dans le cadre de la négociation collective. Cependant, avec le présent texte, vous posez seulement les bases et ne traitez pas le problème de fond.

Concernant la création de l'établissement public dédié à la régulation des relations sociales entre plateformes et travailleurs, l'ARPE, nous vous interpellons une fois de plus sur la prolifération des agences et autres autorités de l'État. La France en compte plus de 1 200 ! Nous devons cesser de fonctionner de cette manière : la multiplication des autorités destinées à réguler et à encadrer est une source de complexité.

Le point noir de ce texte est qu'il ne résout pas le problème de la caractérisation du statut des travailleurs de ces plateformes et du lien qui les unit à celles-ci. Ils sont considérés comme des indépendants, mais force est de constater qu'ils ne sont pas des indépendants comme les autres, qu'ils n'ont même d'indépendants que le nom. La jurisprudence peine à trancher : dans un arrêt du 4 mars 2020, la Cour de cassation a considéré que le statut d'indépendant d'un chauffeur utilisant la plateforme Uber était fictif en raison du lien de subordination envers celle-ci. Elle est même allée plus loin en qualifiant de contrat de travail le lien unissant le travailleur à la plateforme. Cette jurisprudence a ensuite été contredite par un arrêt de la cour d'appel de Paris. Il nous appartient donc en tant que législateur de déterminer le statut des travailleurs qui recourent aux plateformes, tandis qu'il appartient au dialogue social de faire naître des droits sociaux.

Au niveau européen, il semble que les choses s'accélèrent. La Commission européenne a présenté le 9 décembre une proposition de directive relative à l'amélioration des conditions de travail dans le cadre du travail via une plateforme, qui introduit notamment une présomption de salariat et renverse la charge de la preuve au bénéfice de ces travailleurs lorsque certains critères sont satisfaits. Nous restons attentifs à ce sujet et prendrons toute notre part lors des débats.

Pour toutes les raisons évoquées, nous considérons que ce texte est un acte manqué. Il n'apporte pas de solutions concrètes au problème du statut de travailleurs indépendants recourant aux plateformes numériques pour leur activité. Le groupe UDI et indépendants s'abstiendra donc sur ce texte.

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