Intervention de Sylvia Pinel

Séance en hémicycle du mardi 25 janvier 2022 à 15h00
Interdiction des pratiques visant à modifier l'orientation sexuelle ou l'identité de genre d'une personne — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSylvia Pinel :

En 2022, en France, certains croient encore que l'on peut guérir un individu de son orientation sexuelle ou de son identité de genre. Pourtant – et nous le dirons autant de fois qu'il le faudra –, il n'y a rien à guérir. L'homosexualité n'est pas une maladie, même s'il a fallu attendre bien trop longtemps, 1982, pour que la France le reconnaisse. La transidentité n'est pas une maladie, même s'il a fallu attendre encore plus longtemps, 2010, pour que la France le reconnaisse. Il n'y a rien à guérir, aucune norme religieuse ou sociétale n'a à interdire à des individus d'être ce qu'ils sont.

La présente proposition de loi, qui sera bientôt adoptée et promulguée, est donc particulièrement bienvenue. Elle vise à interdire explicitement dans la loi les pratiques visant à modifier l'orientation sexuelle ou l'identité de genre d'une personne, aussi connues sous le nom trompeur de « thérapies de conversion ». Elle crée une peine de deux ans d'emprisonnement pour les personnes les infligeant. Les médecins prétendant pouvoir modifier l'orientation sexuelle ou l'identité de genre d'une personne s'exposeront à la même peine et pourront être interdits d'exercer. Nous nous réjouissons qu'un consensus ait pu émerger au Parlement sur un tel sujet qui nécessite l'engagement de toutes et tous.

La disposition ajoutée au Sénat, conservée par la commission mixte paritaire, a levé les derniers doutes de certains : cette proposition de loi vise bien à mettre fin à des traitements barbares et rien d'autre.

Il était temps car ces prétendus traitements impliquent des pratiques dégradantes sur des enfants, dans la plupart des cas pour des motifs religieux, mais aussi sociétaux ou prétendument médicaux. Ces pratiques prennent la forme d'entretiens psychologiques rabaissants ou encore de prières de guérison ; elles vont parfois jusqu'aux violences physiques. Les nombreux témoignages sont édifiants. Les impacts psychologiques sont terribles pour les victimes et peuvent durer très longtemps.

Une étude américaine menée sur 28 000 personnes transgenres fait état d'une multiplication par quatre du risque de suicide si la personne a subi une de ces prétendues thérapies de conversion dès l'enfance. Ce chiffre est particulièrement marquant quand on sait que pour les personnes LGBT le risque de se suicider est quatre fois plus élevé que pour les personnes hétérosexuelles.

Je tiens donc à remercier une nouvelle fois nos collègues Bastien Lachaud et Laurence Vanceunebrock pour leur engagement et la qualité de leurs travaux. En tant que corapporteurs de la mission flash sur les pratiques prétendant modifier l'orientation sexuelle ou l'identité de genre d'une personne, ils ont auditionné de nombreuses victimes et ont eu connaissance de plus d'une centaine de cas, témoignant de la progression du phénomène. Je remercie aussi les nombreuses associations qui se battent depuis des années pour faire émerger ce sujet dans le débat public et qui accompagnent au quotidien les victimes de ces actes. C'est grâce à elles que la présente proposition de loi existe et que le Parlement s'apprête à la voter.

Le collectif Rien à guérir, rassemblant des victimes, des rescapés des thérapies de conversion, a également permis de mobiliser la société sur cette question. Je pense également aux journalistes Jean-Loup Adénor et Timothée de Rauglaudre qui ont joué un rôle de lanceurs d'alerte, en infiltrant pendant deux ans des communautés catholiques ou évangéliques et ont contribué à notre prise de conscience collective.

L'Organisation des Nations unies, tout comme le Parlement européen ont appelé les États à légiférer pour interdire ces traitements. Plusieurs pays européens ont déjà franchi le pas. Notre pays doit les suivre. Le Parlement doit envoyer, par le vote de cette proposition de loi, un signal clair et affirmer une évidence : les pseudo-thérapies de conversion sont contraires à la dignité humaine et n'ont pas leur place dans notre République. Vous l'aurez compris, le groupe Libertés et territoires votera avec conviction cette proposition de loi.

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