Intervention de Elisabeth Moreno

Séance en hémicycle du mardi 25 janvier 2022 à 15h00
Interdiction des pratiques visant à modifier l'orientation sexuelle ou l'identité de genre d'une personne — Présentation

Elisabeth Moreno, ministre déléguée chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l'égalité des chances :

Quarante ans après la dépénalisation de l'homosexualité, les personnes lesbiennes, gays, bisexuelles et transgenres restent trop souvent, dans notre pays, la proie de moqueries, d'insultes, de discriminations, voire de violences physiques et psychologiques. Pourtant, l'homosexualité n'est ni un choix ni un crime. Pour reprendre les mots de Gisèle Halimi prononcés dans cet hémicycle le 20 décembre 1981 : « La norme sexuelle ne se définit pas. »

Autrement dit, l'identité de genre ou l'orientation sexuelle doivent être synonymes de liberté. Liberté d'être soi, liberté d'aimer qui l'on veut, liberté d'être aimé par qui l'on veut. Le combat pour l'égalité des personnes LGBT+ est un combat contemporain, un combat qui a notamment progressé ici, à l'Assemblée nationale. Mais les avancées notables de ces dernières décennies n'ont pas totalement aboli les LGBTphobies du quotidien ni les violences que subissent les personnes LGBT+.

Atteinte à la dignité humaine, les thérapies dites de conversion en sont l'une des pires illustrations. La prise de conscience de la souffrance engendrée par ces pratiques barbares a transformé l'indifférence générale et le silence collectif en impérieuse nécessité d'action, une action sans concession. C'est cette volonté d'agir, cette volonté de ne rien laisser passer, qui a animé Laurence Vanceunebrock, soutenue par Christophe Castaner, Raphaël Gérard, Caroline Abadie et bien d'autres dans cet hémicycle, ainsi que par des associations telles que Rien à guérir, dont je tiens à saluer le président, M. Benoit Berthe, en ce moment-même dans les tribunes du public.

Comme vous le savez, la semaine dernière, le Sénat a approuvé à l'unanimité les conclusions de la commission mixte paritaire. Je me réjouis que le Parlement soit parvenu à un accord rapide sur un texte qui vient renforcer un peu plus l'égalité des droits et la protection des personnes LGBT+ car les souffrances engendrées par les thérapies de conversion laissent dans les corps comme dans les esprits une trace très souvent indélébile.

Si d'aucuns doutaient de leur existence, l'actualité nous rappelle malheureusement qu'il ne s'agit pas d'une fable ni d'une chimère, mais bien d'une réalité qui n'a pas sa place dans notre pays au XXIe siècle. Si elles pouvaient déjà être sanctionnées par un ensemble d'infractions réprimant les atteintes à l'intégrité physique, psychique et psychologique, nous devions néanmoins aller plus loin car force est de constater qu'aucune décision de justice n'avait jusqu'alors condamné ces faits précisément.

Comme vous le savez, une circulaire relative à la lutte contre les infractions commises à raison de l'orientation sexuelle avait été émise par le garde des sceaux, le 17 mai 2021, à l'attention des magistrats, afin de rappeler les pratiques visées et les instruments juridiques pour y répondre, en fonction des cas concernés. Cette circulaire rappelait de manière urgente aux victimes qu'elles pouvaient et devaient déposer plainte, à un moment où nous ne pouvions pas encore nous avancer sur une date d'examen de la proposition de loi de Laurence Vanceunebrock, le calendrier législatif étant particulièrement chargé.

Cela dit, il est indéniable qu'en l'absence d'infraction spécifique, le dépôt de plainte est beaucoup plus difficile pour les victimes, souvent perdues face à ces notions juridiques. C'est pourquoi je me réjouis qu'avec le soutien résolu de la majorité parlementaire, nous ayons finalement pu inscrire ce texte important à l'ordre du jour. Il a permis d'introduire dans le débat public un sujet tabou et permettra aux victimes de franchir plus facilement la porte des commissariats pour briser l'omerta mais aussi aux forces de l'ordre et aux magistrats de mieux appréhender les faits visés pour mieux les condamner. Il envoie un signal clair à celles et ceux qui cherchent à contraindre une personne à renier ce qu'elle est.

En raison de la distorsion entre les droits affichés et les droits vécus au quotidien, les personnes LGBT+ se sentent encore trop souvent à la marge de notre société, voire invisibilisées. Or l'invisibilisation est la sœur jumelle de l'exclusion. Parce qu'elle en déchire la devise, parce qu'elle en abîme l'idéal, cette réalité érode notre pacte républicain. L'égalité ne doit pas être un ailleurs pour certains ou certaines d'entre nous, ni un lieu d'utopie. Elle doit au contraire constituer un fondement concret de notre destin commun, pour toutes et pour tous. C'est cette ambition qui a nourri l'esprit de ce texte. Les acteurs du terrain, magistrats et policiers, doivent s'en saisir, pour ne rien laisser passer.

C'est cette ambition qui anime le plan national d'actions pour l'égalité des droits, contre la haine et les discriminations anti-LGBT+ 2020-2023, que j'ai lancé le 14 octobre 2020. À travers ce plan ambitieux, nous avons notamment ouvert la procréation médicalement assistée (PMA) aux couples de femmes et aux femmes célibataires.

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