Intervention de François Ruffin

Séance en hémicycle du jeudi 20 janvier 2022 à 15h00
Lutte contre la précarité des accompagnants d'élèves handicapés — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrançois Ruffin :

Oui, votre chef, M. Macron en personne, en visite à Amiens.

Votre mutualisation n'est pas seulement un échec, c'est également une maltraitance, à la fois des accompagnantes et des enfants. Ce scandale, je veux l'expliquer ici au pays. Auparavant, Sandra suivait un ou deux enfants : « Je l'accompagnais pour de vrai. Je le voyais progresser au fil de l'année. Il a d'abord écrit son prénom et après Noël il s'est mis à lire. Ses parents trouvaient ça formidable, ils n'auraient jamais cru ça possible. Et son enseignante me félicitait : "C'est grâce à vous, Sandra" ». Elle était mal payée, certes, très mal payée – 827 euros –, en revanche, son utilité et le sens de son métier ne faisaient aucun doute.

Mais voilà, vous manquiez de bras. Trop d'élèves avec des « dys », des dysgraphies, des dyslexies, des troubles de l'autisme, trop d'élèves affluaient dans les écoles. Du coup, à la rentrée, les rectorats étaient débordés. Dans les classes, les enfants attendaient leur accompagnante durant des semaines voire des mois. Les familles étaient en colère. Quelle solution avez-vous trouvée, alors ? Alliez-vous garantir aux accompagnantes, pour les attirer, un salaire, des horaires, une carrière ? Non. Il vous fallait de l'école inclusive, mais low cost. Vous avez donc décidé de faire suivre aux auxiliaires, non plus un ou deux enfants, mais quatre, cinq, six, sept, jusqu'à onze – j'ai rencontré un tel cas ! Désormais, Sandra fait, comme elle dit, du saute-mouton : « Je saute d'un élève à l'autre, d'une classe à l'autre, d'un établissement à l'autre. Ça n'a plus de sens. »

Mais ce saucissonnage, ces emplois du temps éparpillés, cette casse du métier, vous les avez rebaptisés d'un noble nom, « mutualisation », qui fait solidaire et progressiste, mais c'est du bidon. C'est juste une politique du chiffre, une politique d'affichage. Et derrière la façade, c'est une catastrophe pour les accompagnantes mais aussi et surtout pour les enfants.

Aline, de la Somme, dit ceci : « Parfois, on se retrouve à s'occuper, dans une même classe, de quatre gamins différents avec quatre problèmes différents. Je fais comment ? Je ne suis pas Wonder Woman ! ». Valérie, maman : « En deux ans d'école maternelle, mon fils a vu quinze accompagnantes. Avec la mutualisation, elles changent tout le temps. »

Olivia Cattan, présidente de SOS Autisme : « Les ministres ont mutualisé des AESH qui passent leur temps à démissionner. Elles courent, elles courent. Les enfants ne font aucun progrès, les parents ne sont pas contents, les profs non plus. À un moment, elles craquent. » Les témoignages affluent de partout, ils paraissent dans La Dépêche à Toulouse, dans Le Populaire du Centre à Limoges, dans La Montagne à Clermont-Ferrand, dans Le Midi libre à Avignon, dans La Nouvelle République, dans Le Courrier de l'Eure. On vous rapporte tout cela, et que nous répond M. Blanquer cet automne, lors de l'examen du projet de loi de finances ? Il nous parle de « quelques cas particuliers », assure « essayer de résoudre ces problèmes au cas par cas » et nous dit : « Faites-nous remonter les dossiers. » C'est du pur déni ! C'est se moquer de nous ! Avec ces « cas », comme il dit, il ne s'agit pas de dysfonctionnements. Ce qui est en cause, c'est bien le fonctionnement ; ce qui est en cause, c'est la mutualisation que vous avez choisie ; ce qui est en cause, c'est le taylorisme du handicap que vous avez imposé.

Alors, puisque « ça ne marche pas », comme dit le Président de la République, allez-vous renoncer à la mutualisation ? Non, vous avez trouvé pire encore. Votre nouvelle cochonnerie – et je suis poli –, la voici. Qu'est-ce donc ? Dans le métro, je croise un jeune homme qui me dit : « Je suis AESH, mais moi, ce sont les parents qui me paient directement. » « Ah, bon ? », je fais, surpris. « Oui, c'est nouveau, mais je suis mieux payé comme ça. » Je déduis : « Donc les familles qui ont de l'argent vous paient pour un bon accompagnement, et pour les autres… » Il me répond : « Exactement. Ce n'est pas très juste, mais c'est comme ça. »

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