Intervention de Nicolas Turquois

Séance en hémicycle du jeudi 20 janvier 2022 à 15h00
Augmentation du salaire minimum — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaNicolas Turquois :

La proposition de loi que nous examinons vise à augmenter le SMIC et à organiser une conférence nationale sur les salaires avec, en parallèle, des négociations par branche. Si nous pouvons comprendre les intentions, nous ne souscrivons pas aux procédés. Monsieur le rapporteur, vous constatez à juste titre deux faits déplorables : d'une part l'absence d'écart significatif entre le niveau du SMIC et celui du seuil de pauvreté, d'autre part un partage des richesses assurément perfectible. Encore une fois, je ne doute pas que votre dessein soit d'accroître sensiblement le niveau de vie d'un grand nombre de nos concitoyens, ce qu'il faut saluer, mais j'ai la conviction que la méthode retenue n'est pas la bonne.

Sur le plan économique, indépendamment de la crise que nous traversons, on estime que l'élasticité de la demande de travail est particulièrement forte pour le travail peu qualifié ; il est également admis qu'une hausse substantielle du salaire minimum, à court terme, détruit des emplois. C'est ce qui s'est passé au début des années 2000 : entre 2002 et 2005, le SMIC, fortement revalorisé, a augmenté beaucoup plus vite que le salaire moyen. Ce tassement des salaires, cet écrasement de leur hiérarchie, est dangereux pour trois raisons. Tout d'abord, une hausse du SMIC se répercute sur l'ensemble des salaires, rendant plus difficile la différenciation des rémunérations en fonction du mérite et des diplômes ; l'employeur, qui gère la paie de ses salariés, se trouve nécessairement privé d'une partie de ses moyens et arbitrages. Ensuite, il en résulte un malaise chez les travailleurs à la qualification plus élevée. Enfin, le risque majeur réside dans une progression des salaires plus rapide que celle de la productivité : la hausse des salaires constitue un coût de production supplémentaire que les entreprises doivent absorber, soit en réduisant l'emploi, soit en diminuant leurs marges aux dépens de leur capacité à investir et innover, soit en augmentant leurs prix de vente et perdant ainsi en compétitivité prix.

J'ajouterai qu'une augmentation de 15 % du SMIC, en élargissant la masse salariale correspondante, nuirait inévitablement à l'attractivité des emplois dont la rémunération serait en quelque sorte rejointe par le salaire minimum. Dans cette perspective, comment entendez-vous accompagner les employeurs face à la hausse du coût du travail ? Comment comptez-vous endiguer le dumping salarial, phénomène consubstantiel à une économie mondialisée, qui en sera forcément accru ? Comment anticipez-vous l'inflation qui résultera, je le répète, de l'augmentation des coûts de production ? Autant d'interrogations auxquelles la proposition de loi ne répond guère, voire pas du tout.

Par ailleurs, je souhaite revenir sur l'importance de la négociation collective. Si le SMIC constitue un socle salarial indispensable, en particulier pour renforcer le pouvoir de négociation des travailleurs lorsque l'influence des partenaires sociaux est faible, c'est à la négociation collective qu'il revient de dynamiser les salaires. Il convient qu'à l'avenir, les partenaires sociaux y recourent pour se saisir pleinement de la dynamique des bas salaires. C'est pourquoi le Gouvernement a invité de nombreuses branches, à commencer par les nouvelles branches comme l'hôtellerie-restauration et les industries agroalimentaires, à engager des négociations portant sur les salaires et les conditions de travail : des accords ont déjà été signés, preuve que cette méthode fonctionne !

Vous le voyez, monsieur le rapporteur, ce sont là des arguments valables pour ne pas soutenir la proposition de loi.

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