Intervention de Éric Coquerel

Séance en hémicycle du jeudi 20 janvier 2022 à 15h00
Augmentation du salaire minimum — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaÉric Coquerel :

« Je tiens à remercier chaque employé et chaque client d'Amazon, car c'est vous qui avez payé pour tout ça », a déclaré cet été le milliardaire Jeff Bezos au retour de sa petite balade dans l'espace. Dans ce clin d'œil faussement bienveillant se nichent tout le cynisme et la violence de classe de notre ère. Derrière cette déclaration se dresse le constat de longues années d'accélération de la confrontation entre le capital et le travail ; de longues décennies d'accaparement croissant des revenus du travail des uns au profit toujours plus astronomique des autres.

En France, ce phénomène a eu la part belle ces dernières années, sous le mandat du président des riches, comme je le dénonce régulièrement dans cet hémicycle. Il y a quelques jours, le dernier rapport d'Oxfam constatait carrément que les cinq premières fortunes de France ont doublé leur richesse depuis le début de la pandémie, et qu'elles possèdent désormais à elles seules autant que les 40 % les plus pauvres du pays. C'est l'une des illustrations concrètes de cette tendance, nourrie à la fois par les nombreux cadeaux faits ces dernières années aux grandes entreprises, mais aussi dès le début du quinquennat par la suppression de l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) et la mise en place de la flat tax, toutes ces mesures ayant permis d'accroître l'accumulation de richesses par les plus fortunés. Pendant ce temps, le dernier rapport de l'Observatoire des inégalités recense plus de 2 millions de travailleurs pauvres dans notre pays.

Il est temps, enfin, de stopper la croissance obscène des inégalités et de la pauvreté, et de commencer à tordre ce rapport de force dans l'autre sens. Au terme de près de dix années sans augmentation significative du SMIC, et en pleine envolée des prix de l'énergie, des produits de première nécessité et du logement, l'augmentation des salaires n'est pas un luxe mais une nécessité urgente. On ne peut, dans ce « en même temps » hypocrite qui caractérise Emmanuel Macron, proposer le principe du SMIC dans l'Union européenne et en refuser l'augmentation ici.

L'un des premiers pas à faire en ce sens est d'augmenter sérieusement le SMIC ; nous soutenons donc son passage à 1 425 euros nets par mois – cette augmentation étant également accompagnée de celle du salaire brut, tout aussi nécessaire puisque le salaire socialisé est un revenu collectivisé du travail.

À cela, et dans ce même objectif d'augmentation des salaires et de réduction des inégalités, nous ajoutons d'autres propositions à appliquer immédiatement comme la revalorisation du traitement des fonctionnaires, qui subissent le gel du point d'indice depuis 2010, d'où une lourde perte en pouvoir d'achat. Dans l'immédiat, nous proposons de rattraper en urgence le gel du point d'indice depuis les années Sarkozy.

Il faut également prendre acte des inégalités salariales entre les femmes et les hommes. La lutte contre les discriminations salariales doit être une priorité mais elle ne suffira pas à régler le problème. Nous devons prendre en compte le fait que beaucoup de métiers féminisés sont dévalorisés, et que les femmes souffrent de salaires et de conditions de travail particulièrement précaires et pénibles, avec de nombreux temps partiels contraints. Il faut une conférence sociale pour organiser la revalorisation salariale des métiers majoritairement exercés par des femmes, notamment dans les secteurs du soin et du lien.

Plus largement, il faut revaloriser l'ensemble des revenus issus du travail en supprimant la réforme de l'allocation chômage, en interdisant que la moindre retraite soit inférieure au SMIC et en luttant contre les CDD et les contrats précaires, qui servent aussi à abaisser les salaires. Contrairement à ce que d'aucuns ont pu laisser entendre, cette revalorisation des salaires n'est pas contradictoire avec l'augmentation des minima sociaux que nous appelons de nos vœux ; bien au contraire, ces deux points sont complémentaires. Les minima sociaux doivent être relevés pour permettre à toutes et tous de vivre dignement grâce à la solidarité nationale, en refusant le discours réactionnaire qui fantasme sur un pseudo-assistanat.

Enfin, à ces diverses augmentations salariales doivent être ajoutés au moins quelques garde-fous contre les inégalités capitalistes. Alors que ces dernières années ont révélé toute l'indécence des profiteurs de crise et que les entreprises du CAC 40 viennent d'octroyer plus de 46 milliards d'euros de dividendes à leurs actionnaires, il est temps de plafonner ces versements à la part de la plus-value consacrée aux salaires. Le capital coûte bien trop cher à notre pays. Il s'arroge une part toujours plus importante des richesses captant à son profit l'augmentation de la productivité générée par les travailleurs.

Dans cette même logique, nous ne pouvons plus accepter les salaires monstrueux dans les plus grandes entreprises. À ce jour, un dirigeant du CAC 40 gagne en moyenne 280 fois le SMIC : est-ce que vous vous rendez compte de ce que cela représente ?

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.