Intervention de Brigitte Bourguignon

Séance en hémicycle du jeudi 20 janvier 2022 à 9h00
Urgence contre la désertification médicale — Présentation

Brigitte Bourguignon, ministre déléguée chargée de l'autonomie :

La question de la démographie médicale – car c'est bien de cela qu'il s'agit – n'est pas nouvelle, même si certains font mine de la redécouvrir à la lumière de la crise sanitaire que nous traversons depuis bientôt deux ans et qui accroît les tensions auxquelles le système de santé est soumis. En vérité, les difficultés liées à la démographie médicale trouvent leur origine dans des décisions – des errements, devrais-je dire – de politique publique qui se sont sédimentées pendant plusieurs dizaines d'années. À ce titre, on ne pourra y apporter des réponses que dans la durée : malheureusement – et ce n'est pas un aveu d'impuissance –, les solutions immédiates n'existent pas et il ne faut pas se payer de mots.

C'est bien avec le souci de répondre de manière pérenne à ce défi majeur que le Gouvernement et la majorité se sont emparés de ce thème dès le début du quinquennat, pour y apporter des réponses structurantes. Plusieurs jalons importants méritent d'être rappelés, qu'il s'agisse du plan pour renforcer l'accès territorial aux soins, présenté dès 2017, de la stratégie Ma santé 2022 adoptée en 2018, ou enfin du Ségur de la santé, décliné depuis 2020. Parmi les actions déterminantes du Gouvernement, je rappellerai la suppression du numerus clausus et de la première année commune aux études de santé (PACES), que vous avez évoquée.

Ces réformes majeures, dont je rappelle qu'aucun autre gouvernement n'avait eu le courage de les engager, permettront de former davantage de professionnels de santé et apportent ainsi une réponse structurelle à la pénurie de médecins que nous subissons après des décennies d'immobilisme. Car il faut le dire : si la suppression du numerus clausus est une réalité, elle a longtemps fait figure d'épouvantail et même de tabou, alors qu'elle était la clef pour augmenter le nombre de médecins. Nous avons donc réformé les études de santé et bousculé un système qui, non content de voir de belles vocations se fracasser sur des questionnaires à choix multiples (QCM), hypothéquait surtout nos chances de lutter sérieusement contre les déserts médicaux. Désormais, les perspectives concrètes sont là : le nombre de professionnels de santé formés augmentera de 15 % entre 2021 et 2025. Dans la seule filière médecine, le nombre d'étudiants admis en deuxième année a progressé de 30 %, passant de 8 000 en 2017 à plus de 10 500 cette année.

Mais, vous le savez, dix années sont nécessaires pour former un médecin capable d'apporter des soins à la population. Pour répondre dès à présent aux aspirations des jeunes médecins et faciliter leur installation, en particulier dans les zones sous-denses, nous avons donc fortement soutenu le développement des modes d'exercice coordonné et des structures collectives. Cet effort permet de recenser près de 1 900 maisons de santé pluriprofessionnelles en fonctionnement et plus de 300 projets en cours ; plus de 2 200 centres de santé, dont 450 centres pluriprofessionnels ; et environ 700 projets de communautés professionnelles territoriales de santé. Il faut le dire et le redire : l'avenir de la médecine est collectif. Les jeunes professionnels de santé ne s'y trompent d'ailleurs pas, puisqu'ils plébiscitent ce mode d'exercice.

Un autre enjeu consiste à faire découvrir la variété des formes d'exercice possibles aux plus jeunes. C'est pourquoi nous avons publié, à la fin du mois de décembre, deux arrêtés visant à simplifier l'accès à la maîtrise de stage et à augmenter le nombre de médecins généralistes accueillant des étudiants en santé, notamment dans les zones sous-denses. Cet effort se poursuivra et sera amplifié dans les prochains mois, en collaboration avec les agences régionales de santé (ARS) et les universités. Pour votre parfaite information, je rappelle que 45 % des internes effectuent au moins un stage dans une zone sous-dense. Il me semble important d'avoir ce fait à l'esprit.

Au-delà des soins ambulatoires, les hôpitaux de proximité constituent un autre élément important de notre stratégie visant à assurer une offre de soins primaires sur tout le territoire. Nous avons ainsi redéfini les missions de ces structures et stabilisé leur financement afin de les renforcer, de conforter l'engagement des professionnels de santé à y participer et d'en faire un véritable trait d'union entre les médecins libéraux et les autres structures hospitalières et médico-sociales.

Par ailleurs, en vue de libérer du temps médical précieux, nous avons prévu de créer 4 000 postes d'assistants médicaux, dans tous les territoires. Plus de 2 000 contrats ont déjà été signés, permettant aux médecins traitants de prendre en charge plus de 350 000 patients supplémentaires, dont plus de la moitié dans des zones en tension. Dans le cadre de la stratégie Ma santé 2022, nous avons par ailleurs prévu de recruter 400 médecins généralistes dans les zones les moins bien dotées – 240 postes sont déjà pourvus ou le seront très prochainement.

Nous avons également soutenu le développement de la télémédecine tout au long de la crise sanitaire. Le numérique en santé n'est plus un slogan ou une promesse vaguement futuriste et mal définie, c'est désormais une réalité dans le quotidien des professionnels de santé et de nos concitoyens. Nous sommes ainsi passés, presque du jour au lendemain, de quelques centaines à 1 million de téléconsultations par semaine durant la crise. Nous souhaitons que cette pratique perdure parce qu'elle contribue également à l'amélioration de l'accès aux soins dans tous les territoires.

Je rappellerai aussi les engagements que nous avons pris pour revaloriser les carrières des soignants dans les secteurs sanitaire et médico-social, à hauteur de plus de 10 milliards d'euros, et le soutien à l'investissement du Ségur de la santé, de près de 20 milliards d'euros. Cet effort, sans précédent dans l'histoire récente de la politique de santé, contribuera massivement à renforcer l'attractivité des métiers du soin, à pérenniser et moderniser les établissements et les équipements et à soulager les professionnels en améliorant la qualité de vie au travail. Dans ce domaine, les efforts consentis pendant ce quinquennat dépassent largement le volume de ce qui a été fait, au gré des alternances, entre 2007 et 2017.

Au total, ce sont plus de 3 000 établissements qui seront soutenus financièrement, dont plus de 50 % sont des établissements de petite taille. Cet engagement considérable en faveur de la santé et de l'accès aux soins continue de se déployer dans tous les territoires.

L'accès aux soins est aussi l'un des axes forts de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2022 que vous avez récemment adoptée. Celle-ci prévoit en particulier de fluidifier la filière visuelle, de progresser en matière d'accès direct à de nouvelles professions et de généraliser la prise en charge de la télésurveillance par l'assurance maladie.

Je mentionnerai également l'ouverture de la prise en charge de séances chez le psychologue par l'assurance maladie, pour améliorer l'accès au traitement des troubles psychologiques légers à modérés dans tous les territoires. Le décret précisant les conditions d'application de cette mesure sera publié prochainement. Toutes ces nouvelles avancées, que vous avez récemment votées, visent à améliorer l'accès aux soins.

J'en viens à la présente proposition de loi. Si elle permet de débattre d'un sujet majeur, le Gouvernement considère qu'elle ne prévoit pas les bonnes solutions pour y répondre dans les circonstances actuelles.

Vous proposez en effet, pour résoudre le problème des déserts médicaux, de remettre en cause la liberté d'installation des médecins en prévoyant un dispositif de conventionnement sélectif subordonnant l'installation d'un nouveau médecin dans une zone dites sur-dense au départ d'un de ses confrères.

Je vous reconnais de la constance sur cette question, monsieur le rapporteur, puisque vous aviez présenté en 2018 une proposition similaire, qui avait déjà été rejetée par cette assemblée – si ma mémoire est bonne, vous en aviez même déjà présenté une sous la législature précédente.

Vous proposez des mesures visant à limiter l'installation dans les zones qualifiées de sur-denses. Or permettez-moi de vous faire part du constat suivant : dans le contexte actuel, il n'existe pas en France de zone sur-dense mais on observe une désertification globale avec des territoires beaucoup plus en tension que d'autres – et même, disons-le, des zones « sous-sous-denses ».

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