Intervention de Béatrice Descamps

Séance en hémicycle du jeudi 20 janvier 2022 à 9h00
Condamnation des crimes perpétrés contre les ouïghours — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBéatrice Descamps :

La proposition de résolution vise à reconnaître le caractère génocidaire des violences politiques systématiques ainsi que des crimes contre l'humanité actuellement perpétrés par la République populaire de Chine à l'égard des Ouïghours, population turcique et majoritairement musulmane.

Sur le plan historique, nous savons que des troubles récurrents agitent la région du Turkestan oriental depuis son annexion à la République populaire de Chine en 1949. Mais depuis la désignation de Xi Jinping à la tête du gouvernement de la République populaire de Chine, ces politiques de sinisation ont pris une forme extrême, visant à éradiquer l'identité ouïghoure en tant que telle.

Sous un angle factuel, nous savons, grâce à de nombreuses ONG, que 3 millions de personnes vivent dans des camps de concentration et que des millions d'autres sont réduites à l'esclavage. Selon les experts, les ablations de l'utérus, les avortements et l'imposition de stérilets aux femmes ouïghoures par l'État chinois se traduiront dans les années à venir par un nombre de naissances nettement inférieur à ce qu'il aurait pu être et par une destruction partielle des Ouïghours. Selon eux, la Chine demeure responsable de crimes contre l'humanité, emprisonnements, actes de tortures, viols, violences sexuelles, stérilisations forcées et autres actes inhumains.

Par ailleurs, les révélations sur la complicité des entreprises occidentales dans le travail forcé exigent que ces questions soient traitées par la communauté internationale. Grâce aux années de travail de militants pour dénoncer les violations, dans les chaînes d'approvisionnement de nombreuses sociétés, des droits de la personne des Ouïghours quelques-unes ont pris des mesures pour faire des déclarations, nier ou, dans certains cas, amorcer des changements.

Plusieurs États ont officialisé leur reconnaissance du génocide des Ouïghours par la République populaire de Chine. Le Congrès des États-Unis, les parlements britannique, néerlandais, canadien, belge, tchèque, lituanien ont ainsi condamné la République populaire de Chine pour crimes contre l'humanité, génocide ou risque sérieux de génocide. Des procédures similaires sont en cours dans d'autres États.

La France a, quant à elle, dénoncé en février 2021 un « système de répression institutionnalisé » et engagé des réflexions sur l'emploi du terme de génocide, sans toutefois reconnaître ni condamner ce crime en tant que tel.

Ce sursaut international fait suite à la résolution du Parlement européen du 17 décembre 2020 sur le travail forcé et la situation des Ouïgours dans la région autonome ouïgoure du Xinjiang, texte qui a joué le rôle de catalyseur et prouvé à quel point l'Union européenne peut être un centre d'impulsion politique. Profondément européens, nous pensons que cette initiative aura plus de force si tous les États membres de l'UE la reproduisent. Notre Parlement ne peut donc y rester étranger.

Il semble que la discussion – que nous aurons à nouveau ici prochainement – porte principalement sur l'utilisation du terme de génocide. Il n'est pas évident de se prononcer sur la gradation d'un crime ni d'avoir à débattre sur la sémantique de l'horreur. Mieux vaut s'attacher aux faits. Or, comme je l'ai dit, les experts parlent bien d'une « destruction partielle » qui cible une ethnie, un groupe particulier, ce qui entre factuellement dans la définition de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide de l'ONU, en particulier en raison des mesures de stérilisation.

C'est cette approche factuelle qui a conduit notre groupe UDI et indépendants à défendre une proposition de résolution de Jean-Christophe Lagarde en novembre dernier visant à reconnaître le génocide des Kurdes en Irak, que vous avez étonnamment rejetée. Nous considérons pourtant qu'il faut avoir le courage de condamner dans cet hémicycle toute forme de répression et d'oppression de toute minorité.

En résumé, en tant que parlementaires d'un pays européen, nous ne pouvons rester sans rien faire. Nous devons aussi porter une attention particulière à la cessation des pratiques commerciales qui permettent aux entreprises de se soustraire à leur responsabilité quant à la présence d'esclaves ouïghours dans les chaînes d'approvisionnement.

Pour toutes ces raisons, notre groupe votera bien évidemment la proposition de résolution.

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