Intervention de Laurence Dumont

Séance en hémicycle du jeudi 20 janvier 2022 à 9h00
Discussion d'une proposition de résolution européenne — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaLaurence Dumont :

S'y ajoutent les manœuvres, plus insidieuses, de groupes qui affirment soutenir une législation contraignante sur le devoir de vigilance mais qui, dans les faits, tentent d'affaiblir la réglementation.

La France a été précurseur en la matière, à l'initiative des socialistes, avec l'adoption de la loi Potier de 2017 sur le devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d'ordre. Depuis, plusieurs grandes entreprises ont été poursuivies ou sanctionnées. Ainsi, en 2021, l'entreprise Lafarge a été sanctionnée pour complicité de crime contre l'humanité après avoir notamment financé des groupes terroristes en Syrie pour maintenir l'activité de l'une de ses cimenteries. Cinq grandes entreprises sont actuellement assignées devant les juridictions françaises pour manquement au devoir de vigilance, dont Total, assignée devant le tribunal de grande instance de Nanterre au sujet du projet Tilenga en Ouganda.

On sait que l'existence même de la législation et du risque de sanction et de publicité négative qui en découle constitue un moyen d'action très efficace. C'est ce que montre une étude menée pour la Commission européenne en 2020, selon laquelle les motifs qui poussent – ou pousseraient – les entreprises à exercer, dans leurs chaînes d'approvisionnement, une diligence raisonnable en matière de droits humains seraient les suivants : la préservation de leur réputation et le souhait de répondre aux exigences élevées des investisseurs et des consommateurs en matière de respect des droits humains. Selon cette même étude, les entreprises considèrent que l'instauration d'un cadre juridique européen entraînerait des répercussions positives grâce à l'établissement d'un cadre juridique clair et défini, et à la mise en place d'un standard intangible dans les négociations avec les sociétés tierces.

De même, les États sont de plus en plus nombreux à souhaiter cette réglementation. La législation française a essaimé partout en Europe, des Pays-Bas à la Finlande en passant par l'Italie, la Norvège et l'Allemagne. Mais si les objectifs sont partagés, la réglementation n'est pas uniforme, ce qui a pour effet de laisser proliférer au sein de l'espace européen des règles différentes, voire divergentes.

En s'appuyant sur la loi française, le Parlement européen a adopté en mars 2021 une résolution appelant la Commission européenne à présenter un projet de directive relatif au devoir de vigilance des entreprises. L'objectif est de contraindre les entreprises à s'assurer que leurs chaînes de valeur sont propres, sous peine de sanctions pénales en cas de violations graves des droits sociaux et environnementaux. Mais le texte du Parlement européen va plus loin que la loi française, qu'il s'agisse des entreprises et des activités concernées, du champ d'application du devoir de vigilance et du contrôle de son respect. Il prévoit aussi un régime punitif consolidé.

Tout est prêt ; les enquêtes ont été menées, le Parlement européen attend. Il ne reste qu'à inscrire à l'ordre du jour de la Commission ce projet de directive que ni les travailleurs du monde ni les citoyens ne peuvent plus attendre. Aussi le vote de notre résolution invitant le Président de la République à agir lors de sa présidence du Conseil de l'Union est-il impératif et, sur ce sujet, il doit agir dès sa prise de fonction. Il y va de la lutte impérieuse contre l'esclavage moderne et les écocides, car c'est de cela qu'il s'agit.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.