Intervention de François Ruffin

Séance en hémicycle du dimanche 16 janvier 2022 à 16h00
Outils de gestion de la crise sanitaire — Motion de rejet préalable

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrançois Ruffin :

« Ce matin, les personnes de plus de 65 ans qui n'ont pas reçu leur troisième dose seront désactivées. » Entendant cette phrase à la radio à la mi-décembre, j'ai songé que nous avions plongé, en quelques mois, dans un scénario de science-fiction, dans un univers que même Orwell n'avait pas imaginé : parce que leur statut vaccinal n'est pas à jour – mais, finalement, peu importe le prétexte retenu, qu'il s'agisse de la vaccination ou d'un autre –, leur QR code n'est plus valide et des millions de Français ne peuvent plus accéder aux bistros, aux restaurants, aux bibliothèques, aux cinémas, ou encore aux TGV. Du jour au lendemain ou presque, depuis l'été dernier, vous avez improvisé un tri numérique. Vous avez tranquillement procédé à une exclusion massive. Vous avez créé une sous-citoyenneté.

« Un irresponsable n'est plus un citoyen », déclare le Président de la République. Je ne lui reprocherai pas sa sincérité : il dit, finalement, ce qu'il fait – ce que vous faites – depuis maintenant un an. Et, vous pourrez vous en flatter, votre œuvre est amenée à durer. Car non, l'outil que vous vous proposez de créer ne sera ni provisoire ni temporaire : avec vous, nous n'en sortirons pas. À ce projet de loi, vous avez d'ailleurs refusé d'inscrire une date de fin, et pour cause : il n'y en aura pas.

Hannah Arendt nous avait prévenus : « C'est dans le vide de la pensée que s'inscrit le mal. » Le vide de votre pensée est effrayant ! Vous marquez une rupture, une rupture majeure avec l'égalité et la citoyenneté. C'est, au fond, un vrai projet de société que vous défendez. Mais comment vous y prenez-vous ? Vous agissez à la va-comme-je-te-pousse, par une série de glissements, comme sur un toboggan, sans avoir pensé la place des technologies dans la démocratie. Vous décidez grâce à des votes automatiques, dont l'issue est garantie par votre majorité pléthorique. Vous légiférez sur la base d'argumentaires fournis par les ministères. Vous le faites avec une bonne raison : les urgences étant surchargées, il s'agit de sauver des vies.

Nous contestons cet argument. Nous contestons la finalité sanitaire de vos passes. Nous la contestons, parce qu'il existait mille autres manières de lutter : les masques FFP2, les autotests, les filtres, les aérateurs, le « aller vers », la levée des brevets et, surtout, un hôpital renforcé, plutôt que diminué par les milliards d'économies et les fermetures de lits que vous lui avez imposés.

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