Intervention de Éric Coquerel

Séance en hémicycle du jeudi 13 janvier 2022 à 21h30
Légalisation du cannabis sous le contrôle de l'État — Article 2

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaÉric Coquerel, rapporteur de la commission des affaires sociales :

L'article 2 n'avait de logique que par rapport à l'article 1er , puisqu'il s'agissait d'un gage financier lié aux obligations posées par l'article 40 ; il n'est donc pas très important.

Je voudrais redire une première chose, pour répondre à notre collègue Jolivet et ne pas laisser dire de contre-vérité. Nombre d'arguments ont été échangés, avec lesquels on peut être plus ou moins d'accord, mais laisser penser que si demain, on légalise le cannabis sous contrôle de l'État, tous les Français se mettront à en consommer est une contre-vérité que confirme l'état des lieux dans tous les pays qui l'ont légalisé. Ne laissez pas dire des choses comme ça ! C'est faux ! Essayons d'échanger sur des choses qui ne sont pas des fantasmes – je ne sais même pas pour quelle raison ils existent.

Deuxièmement, cela a été rappelé par notre collègue Moreau, nous rêverions tous d'une situation où, depuis trente ans, le trafic aurait été éradiqué par les forces de police et la consommation aurait cessé. Mais ce n'est pas ce qui se passe ! Chaque ministre de l'intérieur dit qu'il fera plus fort que le précédent : de plus en plus de gens sont arrêtés, de plus en plus de forces de police consacrent leur temps au petit trafic – en lien avec une politique du chiffre –, mais contrairement à ce que vous dites, cela n'éradique pas le trafic ! C'est ça, la réalité ! Si vous voulez le constater, venez dans ma circonscription : je vous y invite, collègue Jolivet ! Venez voir ce qui se passe : vous allez voir que ça n'éradique pas !

Certains maires arrivent à avoir des discussions avec tel ministre de l'intérieur, qui va mettre plus de forces de police dans leur ville. Le trafic se déplace alors dans la ville d'à côté, parce que la consommation continue, que la demande ne fléchit pas. Notre collègue socialiste l'a bien dit : avec un million de consommateurs quotidiens, la pratique n'est pas minoritaire, elle répond à quelque chose, à une demande. De même, la consommation d'alcool répond à une demande. J'ignore combien d'entre vous ont été, pendant l'interruption de nos travaux, dîner et boire un peu de vin – sans doute beaucoup l'ont-ils fait. Cela répond à des demandes sociétales. Pour l'alcool, il ne s'agit pas de boire deux litres de vin et de créer une dépendance ; c'est la même chose pour le cannabis. À l'échelle mondiale, les chiffres montrent que l'alcool et le tabac sont autrement plus nocifs et dangereux. Je ne dis pas cela par plaisir ; j'aimerais bien qu'on parvienne à empêcher les choses, mais ce n'est pas le cas.

Je comprends certains arguments, mais les collègues qui nous invitent à prendre le temps exagèrent un peu. Je reviens sur la déclaration du candidat Macron que j'ai citée tout à l'heure : il avait cinq ans pour faire avancer les choses. En raison de la présentation de la proposition de loi dans le cadre d'une niche parlementaire, nous avons réduit la question à un article, mais nous avions prévenu et l'exposé des motifs contient quasiment tout. Nous avions donc le temps de l'examiner. Je suis d'ailleurs persuadé que ce sujet va revenir.

Ma grande crainte, je le répète, c'est que la légalisation finisse par se faire de manière automatique et qu'on ouvre des boutiques, peut-être des bars avec du CBD, qui développeraient progressivement une commercialisation du cannabis sans aucun contrôle de l'État. C'est une perspective qui m'effraie beaucoup, parce que le trafic illégal passerait à la version la plus marchande et capitaliste de quelque chose qui n'est pas souhaitable. Plus nous anticiperons la régulation et tant qu'il y aura une majorité pour la vouloir dans ce cadre-là – qui est majoritairement souhaité –, mieux ce sera pour le pays. C'est ce que je voulais dire en conclusion.

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