Intervention de Valérie Six

Séance en hémicycle du jeudi 13 janvier 2022 à 21h30
Légalisation du cannabis sous le contrôle de l'État — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaValérie Six :

Loin de toute diabolisation ou dramatisation, nous devons faire preuve de pragmatisme dans ce débat sur la légalisation de la production, la vente et la consommation du cannabis.

Au fond, nous partageons tous le même constat : le commerce illégal du cannabis est un phénomène massif aux conséquences délétères pour les quartiers et leurs habitants. L'usage du cannabis n'est pas récréatif. Répondre à ces difficultés par la légalisation est à mes yeux une mauvaise réponse, d'abord et avant tout car elle néglige la dangerosité du produit. Cette dangerosité fait consensus et a été maintes fois démontrée, y compris par la mission d'information sur la réglementation et l'impact des différents usages du cannabis.

L'argument alors mobilisé est la traditionnelle comparaison avec l'alcool et la cigarette : pourquoi interdire le cannabis alors que ces produits, plus dangereux en termes de létalité, sont eux, légaux ? Ce raisonnement n'est pas convaincant, car il revient à relativiser les risques propres à ce produit psychotrope : risque cardiovasculaire avéré, développement de maladies respiratoires lors de sa combustion, risque de schizophrénie et autres psychoses. En particulier, ses conséquences irréversibles sur le développement cérébral des plus jeunes en appellent à notre responsabilité collective.

Dans ce contexte, il paraît illusoire de vouloir faire respecter un âge minimal légal de consommation, lorsque celui-ci peine déjà à être appliqué pour la vente de tabac ou d'alcool. Engagée dans la lutte contre le protoxyde d'azote, je ne connais que trop bien les mécanismes de contournement qui peuvent être à l'œuvre et les difficultés que posent les restrictions d'accès à un produit légal. Au regard des risques engendrés, il apparaît donc disproportionné d'exposer les adolescents à ce produit.

Il faut également se poser la question du message envoyé par une légalisation qui ferait évoluer l'acceptabilité sociale du cannabis. L'idée sous-jacente derrière le cannabis récréatif, c'est de rendre le produit « sympathique », pour reprendre le mot employé par le Président de la République à Nice, cette semaine. L'image du cannabis est déjà ancrée positivement chez les jeunes, me direz-vous. Cependant, vous ne m'ôterez pas de l'idée que rendre plus accessible un produit envoie un message contradictoire avec celui de la prévention de ses risques pour la santé.

Puisque le cannabis n'est pas récréatif, répétons-le, il faut aborder le sujet crucial de la prévention. Une fois encore, nos positions divergent car, à mon avis, la prévention ne s'oppose pas à la pénalisation, bien au contraire : ces politiques sont complémentaires en ce qu'elles permettent d'agir à la fois sur la demande et sur l'offre.

Au Canada ou au Portugal, la baisse de la consommation chez les jeunes n'est pas directement imputable à la dépénalisation, mais bien aux investissements massifs dans la prévention et le traitement de l'addiction.

Il convient alors de lever les différents obstacles et de développer une réelle politique de santé des addictions, transversale et pluridisciplinaire. Le renforcement des compétences psychosociales dès le plus jeune âge, expérimenté par la MILDECA, apparaît ainsi comme une solution très efficace mais encore trop peu développée.

Ces solutions rejoignent d'ailleurs directement les conclusions des éducateurs que j'ai pu rencontrer sur le terrain, et qui confirment que, loin d'être festif, le cannabis est pour beaucoup une échappatoire face à des problèmes plus profonds.

Cette politique ne peut se passer de la lutte contre le trafic de cannabis. Il en va notamment de la sécurité des familles vivant dans les quartiers touchés, mais aussi des fausses perspectives économiques ouvertes par ce commerce de subsistance. Nous ne pouvons pas nous appuyer sur un hypothétique assèchement des trafics, sur lequel nous n'avons que peu d'éléments probants au travers des exemples étrangers. Ce que réclament les populations sur le terrain est clair : la sécurité pour eux et pour leurs enfants.

Pour toutes ces raisons, nous pensons que notre réponse doit être celle de la responsabilité en matière de santé publique, sans pour autant abandonner la lutte contre l'offre illégale. Nous voterons donc contre ce texte.

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