Intervention de Belkhir Belhaddad

Séance en hémicycle du jeudi 13 janvier 2022 à 21h30
Légalisation du cannabis sous le contrôle de l'État — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBelkhir Belhaddad :

La proposition de loi relative à la légalisation de la production, de la vente et de la consommation du cannabis sous le contrôle de l'État, que nous examinons ce soir, aborde un sujet sensible et légitime, dont les enjeux sont à la fois sanitaires, sécuritaires, économiques et fiscaux. C'est aussi un sujet clivant et passionnel, y compris au sein de notre assemblée, raison pour laquelle il faut l'aborder sans dogmatisme.

Avec 900 000 usagers quotidiens, la consommation de cannabis en France est parmi les plus élevées d'Europe alors même que ce produit, défini comme une substance addictive et toxique illicite, fait l'objet d'une répression pénale sévère. L'étude de l'Observatoire français des drogues et des tendances addictives (OFDT) sur les années 2009-2019 témoigne toutefois d'une baisse plus importante de la consommation de cannabis en France que dans les autres pays européens. Ce résultat doit nous inciter à améliorer encore notre réponse face au développement des usages du cannabis.

Le groupe La République en marche salue la volonté du groupe La France insoumise d'engager le débat sur la légalisation du cannabis, dont les enjeux sont multiples. Néanmoins, si nous avons d'ores et déjà avancé vers la légalisation des usages de bien-être et thérapeutiques du cannabis, la légalisation du cannabis récréatif semble, à ce jour, prématurée. En effet, la réécriture du cadre réglementaire français sur la vente du cannabidiol (CBD) par l'arrêté du 31 décembre 2021 a permis de reconnaître le caractère non stupéfiant du CBD, conformément à la jurisprudence européenne, et libéralisé ainsi le marché du « cannabis bien-être ». Concernant le cannabis thérapeutique, la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2020 a autorisé son expérimentation auprès de 3 000 patients. À ce stade, les premiers résultats sont encourageants.

Reste que la légalisation contrôlée du cannabis récréatif proposée par la proposition de loi n'est acceptable ni sur le fond ni sur la forme.

Sur le fond, l'objectif de la légalisation contrôlée du cannabis constitue, selon le texte, la solution la plus à même de répondre aux enjeux sanitaires, sécuritaires et de régulation des usages.

À ces arguments, nous répondons, tout d'abord, que nous manquons de recul quant aux effets de la légalisation sur la consommation dans d'autres pays. En outre, les résultats dont nous disposons pour le Canada, qui a légalisé le cannabis, doivent nous pousser à agir avec précaution. La mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives (MILDECA) a examiné les premières données disponibles pour ce pays et abouti à deux conclusions : d'une part, la consommation a augmenté pour toutes les classes d'âge, sauf chez les 15-17 ans, mais ils ne sont pas concernés par la légalisation ; d'autre part, la légalisation n'a pas permis de démanteler les filières parallèles et les trafics, car ils se sont adaptés et proposent des produits plus dosés et moins chers. Transposés à la France, ces résultats laissent craindre que la légalisation entraîne des effets de report du trafic et d'adaptation des filières, et qu'elle génère « pour les services de police » de nouveaux défis que nous devons anticiper.

Ensuite, la légalisation du cannabis fait courir le risque d'une banalisation du produit et de ses dangers, alors que le cannabis est une substance psychotrope dangereuse, aux conséquences néfastes, notamment chez les plus jeunes.

Sur la forme, enfin, le choix d'une proposition de loi contenant un article unique et examinée en fin de législature n'est pas à la hauteur des attentes et des enjeux soulevés par le sujet. Si une légalisation du cannabis était envisagée, il serait nécessaire de définir, au préalable, le modèle français de légalisation réglementée souhaité, tenant compte à la fois des succès et des échecs des expériences étrangères et des spécificités politiques, historiques et culturelles de notre pays. Tel est le sens du rapport de la mission d'information commune de l'Assemblée nationale sur la réglementation et l'impact des différents usages du cannabis, qui dresse une liste des questions auxquelles le débat public devra répondre avant de légaliser cette substance.

Circuit de production et de distribution, statut à donner à l'autoproduction, modalités de fixation des prix, réinsertion des anciens trafiquants : aucune de ces questions n'est traitée dans la proposition de loi, et vous envisagez pour cela, monsieur le rapporteur, un autre texte de loi. Dès lors, il semble préférable de différer la décision et de poursuivre la réflexion dans le cadre d'un débat de société incluant l'ensemble des citoyens. C'est la raison pour laquelle le groupe La République en marche votera contre la proposition de loi.

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