Intervention de Marguerite Deprez-Audebert

Séance en hémicycle du jeudi 13 janvier 2022 à 15h00
Interdiction du glyphosate — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarguerite Deprez-Audebert :

Collègues du groupe La France insoumise, cette proposition de loi atteste de votre volonté de protéger les Français contre cette substance – nous la partageons –, mais aussi et surtout, je le crains, de votre résolution à faire de ce sujet le caillou dans la chaussure de la majorité. Mais tel ne sera pas le cas. Nous assumons clairement la position qui a été et qui reste la nôtre.

En 2017, le Président de la République s'était engagé à mettre fin au plus vite au glyphosate. Ses dernières déclarations sur le sujet ne vous auront pas échappé : l'objectif de sortie en trois ans n'a malheureusement pas pu être atteint pour des raisons qui ont été largement expliquées – monsieur le ministre les a rappelées. Toutefois, notre détermination est restée la même depuis le début de la législature, comme en témoignent les mesures instaurées pour limiter l'utilisation de cette molécule. En 2017, le glyphosate a été interdit dans les espaces publics ; deux ans plus tard, nous en avons interdit l'utilisation par des particuliers, qui est donc strictement réservée aux agriculteurs ; par ailleurs, depuis l'an dernier, l'usage du glyphosate est autorisé uniquement dans les situations où il n'y aurait aucune solution alternative. Au cours de l'année 2022, cette mesure se traduira par une baisse non négligeable de la consommation de cette substance. Nous nous sommes donc bel et bien engagés dans une trajectoire de sortie du glyphosate.

Surtout, nous sommes conscients de l'ampleur du défi. Cela se traduit aussi dans notre bilan en matière de réduction de l'utilisation des pesticides, en baisse de 20 % en 2020 par rapport à la période 2012-2017. Nous pouvons également nous satisfaire de la chute très significative de l'utilisation des substances les plus préoccupantes relevant de la catégorie CMR entre 2016 et 2020. Dans le cadre du plan de relance et du plan d'investissement France 2030, nous allons plus loin, en renforçant le développement de produits de biocontrôle et en réduisant les autorisations de mise sur le marché de nombreux produits contenant du glyphosate. Quant aux investissements, plus de 800 millions d'euros sont engagés pour renouveler et acheter des équipements de substitution et pour accélérer la troisième révolution agricole. Celle-ci s'appuiera, entre autres, sur l'agroécologie qui se développera.

En effet, chers collègues, le nerf de la guerre est bien la recherche de solutions alternatives. La sortie du glyphosate nécessite un travail de préparation et de recherche sur plusieurs années, dans lequel nous sommes déjà engagés. Néanmoins, il faut reconnaître la réalité, nous ne disposons pas encore d'alternative fiable et pérenne au glyphosate pour l'ensemble des cultures agricoles. Il faut donc avancer avec pragmatisme et surtout renforcer les moyens alloués au développement et à la recherche.

En revanche, sortir du glyphosate de manière immédiate et unilatérale serait lourd de conséquences pour les Français. La sortie immédiate du glyphosate engendrerait des surcoûts de 50 à 150 euros par hectare, mettant à mal la viabilité économique de nos exploitations agricoles et menaçant même certaines de disparition, ce qui aurait notamment pour effet de réduire notre capacité d'exportation et d'aide alimentaire à l'Afrique. La distorsion de concurrence créée par cette interdiction ne serait pas acceptable pour nos agriculteurs : l'interdire en France seulement conduirait à manquer notre cible avec pour premières victimes, les agriculteurs français.

Pour notre bonne information, rappelons que seul un pays en Europe interdit le glyphosate : le Luxembourg. Les autres États membres ont soit renoncé – l'Autriche, par exemple –, soit fait des annonces sans appliquer la mesure. Dans le monde, seul le Sri Lanka l'avait interdit pour finalement revenir sur cette mesure.

Il en résulte mon troisième point : l'actuelle présidence française du Conseil de l'Union européenne sera l'occasion pour notre pays d'être, une fois de plus, la locomotive de ce combat jusqu'à ce que la Commission européenne présente sa proposition sur le sujet d'ici à la fin de l'année. En effet, rappelons que c'est le gouvernement français qui, au mois de novembre 2017, a évité la prolongation de la licence du glyphosate de dix ans en la ramenant à une durée de cinq ans. Nous devons continuer sur cette voie et trouver une solution avec nos partenaires européens pour tendre vers une convergence environnementale et sociale européenne. C'est au niveau européen que doit se résoudre le problème ; notre collègue Chassaigne partage ce point de vue.

Nous sommes nombreux à penser que nous ne pouvons pas laisser nos agriculteurs sans solution, dans une impasse. Pire, l'interdiction immédiate du glyphosate serait susceptible d'engendrer des usages dont l'impact environnemental et sanitaire ne serait pas plus souhaitable. Vous l'aurez donc compris, le groupe Mouvement démocrate (MODEM) et démocrates apparentés est contre cette proposition de loi qui va, qui plus est, à l'encontre de notre objectif essentiel de consolider notre souveraineté alimentaire.

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