Intervention de Jean-Baptiste Moreau

Séance en hémicycle du jeudi 13 janvier 2022 à 15h00
Interdiction du glyphosate — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Baptiste Moreau :

Une fois encore, nous nous retrouvons à rejouer le match de la question de l'interdiction du glyphosate. Une fois encore, le sujet est mis sur la table par l'opposition. Comme je l'ai rappelé lors de nos débats en commission, le discours de la majorité n'a pas changé et la ligne reste très claire : pas d'interdiction sans solution.

La proposition de loi, avec son article unique, ne prévoit ni accompagnement, ni solution, ni alternatives. Face au constat d'une proposition de loi idéologique, le groupe majoritaire ne peut que se mettre en travers d'une décision qui toucherait notre agriculture, déjà bien fragilisée par les discours dogmatiques et par les campagnes de dénigrement. C'est pourquoi le groupe La République en marche s'opposera au texte. Que l'on ne nous fasse pas dire ce que nous n'avons pas dit : le groupe LaREM est favorable à une réduction de l'usage de produits phytosanitaires en agriculture, ce qui était d'ailleurs l'une des ambitions du Président de la République en 2017. Nous nous opposons cependant à une suppression pure et simple du glyphosate, sans apporter de réponses aux agriculteurs qui en seraient privés.

Si notre position n'a pas changé, les choses ont en revanche évolué dans le monde agricole. Les ventes de substances les plus préoccupantes, dites CMR1, ont été réduites de 93 % par rapport à 2017. Les ventes de produits CMR1 et 2 ont baissé de 37 % entre 2017 et 2020. Ces chiffres ne sont pas contestables. Ils méritent d'être mis en lumière, car ils reflètent tout le travail et l'adaptation du monde agricole.

La position que nous adoptons n'est pas idéologique. Elle s'appuie, au contraire, sur un travail sérieux, mené pendant plus d'un an au sein d'une mission d'information, avec mes collègues Julien Dive – président – et Jean-Luc Fugit – corapporteur. Des conclusions de cette mission, monsieur le rapporteur, vous n'avez retenu que ce qui vous arrangeait et allait dans votre sens. Les conclusions des auditions et des travaux que nous avons menés étaient pourtant claires : pas d'interdiction de l'utilisation en l'absence d'alternative – une alternative s'entendant à la fois comme économiquement viable, mais aussi techniquement efficace.

La proposition n'apporte pas non plus de réponse sur la question économique et sur l'accompagnement, car oui, comme nous l'avions déjà souligné lors de notre rapport l'an dernier, l'interdiction du glyphosate entraînera des surcoûts importants et variables, en fonction des filières et des pratiques culturales, se traduisant notamment par un besoin de recourir à une main-d'œuvre supplémentaire et par la nécessité d'acquérir de nouveaux équipements. L'ensemble des textes relatifs à la question agricole montre à quel point la question du financement est centrale. Allons-nous sérieusement accepter une proposition qui conduirait les agriculteurs à une impasse financière, alors que leur situation économique est l'une des plus fragiles du pays ?

Si certains usages peuvent d'ores et déjà faire l'objet d'alternatives, comme dans le cas de l'arboriculture, pour laquelle l'ANSES avait conclu que le traitement en inter-rang était possible sans glyphosate – son usage a d'ailleurs été interdit –, d'autres, comme la vigne, ne permettent pas le remplacement du glyphosate sous le rang : pour certaines plantes vivaces, telles le liseron, il n'y a actuellement pas d'autre possibilité que l'utilisation de ce produit. Le président Chassaigne a par ailleurs rappelé la nécessité du glyphosate concernant l'agriculture de conservation des sols.

Par ailleurs, agiter l'idée d'une interdiction du glyphosate prouve une méconnaissance de la complexité et de l'hétérogénéité de l'agronomie et de ses particularismes. En tant qu'ingénieur agronome, je sais à quel point ces situations sont plus complexes qu'elles n'y paraissent et dépassent largement le « y a qu'à, faut qu'on ».

Quand on sait que la moitié des agriculteurs partiront à la retraite d'ici quatre ans, les enjeux de souveraineté agricole et alimentaire demeurent centraux : une interdiction pure et dure ne ferait que créer davantage de difficultés pour nos agriculteurs et pour tout un secteur en proie tant aux conséquences dramatiques du changement climatique qu'à des injonctions idéologiques contradictoires permanentes – sans prendre un instant en considération les efforts qui ont été menés par notre agriculture.

La sortie des produits phytosanitaires les plus dangereux a été largement encouragée par notre majorité, notamment grâce à la séparation du conseil et de la vente permise par la loi EGALIM, grâce à la mise en place, en 2020, d'une stratégie de déploiement du biocontrôle pour faciliter l'accès au marché, grâce à un soutien massif aux investissements pour le déploiement de solutions alternatives aux produits phytosanitaires, avec France Relance – pour un montant de 245 millions d'euros, comme l'a indiqué le ministre –, grâce aux 600 millions d'euros prévus par France 2030 pour contribuer à la troisième révolution agricole, avec une accélération de la recherche et du développement, et grâce à la mise en place du crédit d'impôt « sortie du glyphosate » d'un montant de 2 500 euros, bénéficiant à tous les agriculteurs qui se passent de glyphosate sur une année. Vous l'aurez compris, notre majorité choisit l'accompagnement plutôt qu'une interdiction sans solution.

Nous devons aussi tenir compte du contexte européen : la France pousse justement à une interdiction à l'échelon européen, car il n'y aurait rien de pire que d'interdire le glyphosate en France, tandis que son utilisation donnerait à nos voisins un avantage concurrentiel très net. C'est pourquoi notre majorité a fait le choix assumé du pragmatisme – pas d'interdiction sans alternative – et s'opposera donc à la proposition de loi.

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