Intervention de Sylvia Pinel

Séance en hémicycle du mercredi 12 janvier 2022 à 15h00
Gestion des risques climatiques en agriculture — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSylvia Pinel :

Permettez-moi, au début de cette intervention, d'avoir une pensée pour les victimes des inondations qui touchent en ce moment mon département et ma région.

En Occitanie, le souvenir du gel tardif de mai 2021 est encore vif dans de nombreux esprits : quelques heures avaient suffi à dévaster des centaines de milliers d'hectares de terres agricoles. Les exploitants savent que ce drame, loin d'être exceptionnel, risque de devenir de moins en moins rare. Face aux conséquences du dérèglement climatique, ils tentent de protéger leurs champs autant que possible ; les arboriculteurs, les viticulteurs posent des filets antigrêle afin de limiter leurs pertes. Bien souvent, ces mesures préventives ne suffisent pas à sauver les cultures. Lorsque les dégâts sont trop importants, les conséquences économiques trop graves, les exploitants n'ont d'autre recours que le système d'indemnisation des pertes de récoltes résultant d'aléas climatiques ; mais ce régime, à bout de souffle, peine à remplir ses fonctions.

Seules 18 % des surfaces agricoles sont couvertes par une assurance multirisque climatique, ce qui pose un problème d'autant plus important que le régime des calamités agricoles exclut par exemple la viticulture, laissant sans réponse, en cas d'événement climatique majeur, des pans entiers de l'agriculture française. En outre, les compagnies d'assurance sont confrontées à des déficits structurels qui remettent en cause leur capacité à faire face aux aléas à venir : ces dix dernières années, le ratio annuel de sinistres sur primes s'est élevé en moyenne à 105 %.

Dans ce contexte, une réforme du système assurantiel s'imposait. Je regrette toutefois le calendrier retenu en raison de la proximité des élections, d'autant plus que les nombreux renvois à des ordonnances ou à des décrets – à échéance parfois lointaine – que prévoit le texte laissent en fait au futur gouvernement une bonne partie du soin de son application : en l'état actuel des choses, il est difficile de savoir quels seront alors les arbitrages. Cela dit, je souscris aux grandes orientations du nouveau dispositif. Solidarité, simplicité, accessibilité doivent se trouver au cœur de la réforme en vue d'assurer une large couverture contre les risques climatiques, ce qui était d'ailleurs l'objectif de la proposition de loi que j'avais déposée en 2008 et qui visait à rendre obligatoire l'assurance récolte.

La voie que vous avez choisie est différente : vous souhaitez avant tout encourager les agriculteurs à s'assurer en augmentant le soutien public aux primes d'assurance. J'y suis néanmoins favorable. Nous avons en revanche quelques divergences concernant les modalités de subvention aux cotisations : je défends par exemple leur prise en charge à 70 %, et non dans la limite de 70 %, par le Fonds national de gestion des risques en agriculture (FNRGA), ainsi qu'une franchise de 20 %, voire de 10 %, pour les cultures qui comportent le plus de risques. De même, l'article 2 devrait s'appliquer aussi bien aux contrats « à la culture » qu'aux contrats « à l'exploitation ». Monsieur le ministre, vous avez tenu à nous rassurer sur ce point en commission des affaires économiques ; les inquiétudes persistent cependant, et une clarification du texte serait bienvenue.

De plus, un débat doit avoir lieu au sujet de la prise en compte de la moyenne olympique comme base de calcul pour l'indemnisation des pertes de récoltes. La fréquence croissante des aléas climatiques tire en effet les rendements moyens vers le bas, ce qui risque d'affecter l'attractivité des produits assurantiels. Le texte renvoie d'ailleurs massivement à des décrets pour déterminer les seuils au-delà desquels les agriculteurs verront leurs pertes couvertes par les différents dispositifs. Nous comprenons ce besoin de flexibilité, car l'évolution de la sinistralité pourrait imposer une révision rapide desdits seuils ; il faudra cependant veiller à ce qu'ils soient fixés en concertation avec les parties prenantes.

Un mot, enfin, de la gouvernance du dispositif, plus précisément du pool d'entreprises d'assurance : je regrette que la forme juridique et les modalités de fonctionnement de celui-ci, essentiel à la bonne marche de l'ensemble, ne soient pas arrêtées à ce stade. Je m'inquiète en outre, à l'instar de l'Autorité de la concurrence, de ce qu'une mutualisation mal encadrée des données et des risques au sein d'un organisme unique pourrait entraîner un renchérissement du coût de l'assurance pour les agriculteurs.

Espérons que l'examen du projet de loi en séance publique permettra de dissiper nos derniers doutes et d'appliquer rapidement cette réforme. Nos agriculteurs ont besoin d'outils qui couvrent efficacement les conséquences économiques des risques naturels et assurent la résilience de leurs exploitations. Il vous restera ensuite, monsieur le ministre, à vous attaquer aux aléas sanitaires.

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