Intervention de Jean-Paul Mattei

Séance en hémicycle du lundi 10 janvier 2022 à 16h00
Activité professionnelle indépendante — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Paul Mattei :

Nous avons bien travaillé. Cela s'est vérifié tant lors des auditions préalables avec les corapporteurs que lors des réunions de la commission spéciale elle-même. C'est également vrai pour notre travail avec vous, monsieur le ministre délégué, ainsi qu'avec vos services.

Le projet de loi que nous examinons n'est pas un petit texte. Il s'agit d'une loi importante qui constitue le dernier jalon des réformes que nous avons déployées durant le quinquennat pour faciliter l'entreprenariat et lever les freins à la croissance et à l'activité des entreprises.

La protection de l'exploitant individuel est une vieille quête, qui remonte à de nombreuses années. En 1985, la création de la SARL unipersonnelle a ouvert la possibilité de créer seul une personne morale avec un risque limité. Puis, au détour d'une loi sur la recherche, Claude Allègre, alors ministre de l'éducation nationale, a élargi l'accès des personnes physiques aux sociétés par actions simplifiées (SAS). Cela a provoqué une véritable révolution dont atteste le nombre de SAS en activité.

Pour élargir la protection de l'entrepreneur individuel, le régime de l'EIRL a été créé par la loi du 15 juin 2010, lui ouvrant le bénéfice de la séparation des patrimoines, de la protection de la résidence principale et de la procédure de rétablissement personnel. Il faut reconnaître que cela n'a pas été une grande réussite.

L'article 1er du projet de loi, en créant un statut général de l'entrepreneur individuel et en énonçant la séparation de ses patrimoines, va indiscutablement dans le bon sens. Il constitue cependant un électrochoc juridique puisqu'il instaure un régime légal de séparation des patrimoines qui porte atteinte au principe d'unicité posé par les articles 2284 et 2285 du code civil. Dans la version longuement travaillée de l'article, proposée par nos rapporteurs et adoptée en commission, on trouve divers points comme celui déjà évoqué par M. Chassaigne de l'encadrement de la renonciation à la séparation des patrimoines en faveur des créanciers, afin qu'elle ne soit pas dévoyée par les établissements de crédit. J'espère que nous pourrons encore améliorer cet aspect grâce à nos amendements.

Des améliorations devraient également être apportées pour la transmission de l'entreprise individuelle dans le cadre d'une transformation en société.

Je persiste à considérer que la question de la transmission en cas de décès et du sort du patrimoine antérieurement affecté risque de poser des difficultés pratiques et successorales qu'il faudra résoudre pour éviter d'obérer les possibilités de reprise de l'activité par un héritier. Quel que soit le sort des amendements sur ce sujet, celui-ci fera l'objet d'un débat intéressant.

Il nous faudra aussi veiller, comme je l'avais évoqué en commission, à améliorer fiscalement le passage en société d'une EIRL ou d'une entreprise individuelle, notamment si celle-ci, initialement soumise à l'impôt sur le revenu, est ensuite assujettie à l'impôt sur les sociétés. De même, la question de la solidarité des patrimoines de l'entrepreneur pour payer la taxe foncière ou l'impôt sur le revenu du foyer n'est à mon sens pas résolue de façon satisfaisante par ce texte et peut poser un problème de constitutionnalité.

Le groupe MODEM, se voulant soutien du Gouvernement jusqu'au terme de cette législature, n'a pas souhaité déposer d'amendements autres que les quatre proposés collectivement. Cependant, il me semble que l'élargissement du droit de gage de l'administration fiscale et des autres créanciers publics sur un périmètre plus large qu'actuellement ne doit pas s'exonérer d'une décision judiciaire, conformément à la jurisprudence de la Cour de cassation.

De même, il faudra veiller à ce que ce texte ne soit pas dévoyé par l'administration fiscale pour consacrer une définition de la fraude comprenant le fait d'omettre de régler une imposition, en contradiction avec la doctrine fiscale et le droit à l'erreur. À défaut, nous risquerions de créer un régime à deux vitesses.

Enfin, et c'est une idée que je vous ai souvent présentée ici, il nous faudrait réfléchir à l'allègement de l'imposition en cas de perte de valeur de l'entreprise entre le moment de sa cession et les premières années d'exploitation – je pense au fameux article 151 octies du code général des impôts.

Pour terminer, la prudence doit être de mise dans la réforme des formes sociétaires des professions réglementées. Un amendement du Gouvernement prévoit de rétablir l'article 6 en ce sens mais laisse subsister quelques doutes concernant la financiarisation de ces professions.

Tels sont les axes qui guideront lors des débats la réflexion du groupe MODEM. Il soutiendra le Gouvernement pour l'adoption de ce texte.

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