Intervention de Charles de Courson

Séance en hémicycle du lundi 10 janvier 2022 à 16h00
Activité professionnelle indépendante — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCharles de Courson :

Ces quarante dernières années ont été le théâtre de crises récurrentes et violentes, venues bouleverser la vie économique. Quand les grandes entreprises ont bénéficié d'une politique économique taillée à leur mesure et les salariés, d'un droit du travail sécurisant, les indépendants, eux, se sont souvent retrouvés dans des situations de vulnérabilité, avec le risque de voir leur patrimoine personnel englouti en cas d'échec.

Il y a bien eu quelques tentatives de mettre en œuvre des régimes protecteurs. Ainsi les sociétés commerciales à responsabilité limitée peuvent-elles, depuis 1985, être constituées d'un seul associé. Quant aux entrepreneurs qui exercent en leur nom propre, ils peuvent faire le choix, depuis 2010, du régime de l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée. Mais les évolutions du profil des indépendants et les dernières tourmentes auxquelles ils ont dû faire face sont venues dévoiler les insuffisances de ces statuts. Compte tenu de la situation économique actuelle et de la crise sanitaire, de plus en plus de ces travailleurs font face au risque majeur de voir leurs dettes professionnelles recouvrées en partie sur leurs biens propres.

C'est pourquoi le groupe Libertés et territoires est favorable – avec certaines réserves – à l'article 1er , qui crée un nouveau statut de l'entrepreneur individuel, aux termes duquel le patrimoine personnel devient par défaut insaisissable par les créanciers.

Nous doutons toutefois que le critère d'utilité, choisi pour distinguer les biens relevant du patrimoine professionnel de ceux inclus dans le patrimoine personnel, soit effectif. Il suffit de prendre quelques exemples pour en percevoir les limites : certaines personnes exercent à leur domicile, dans un local aménagé à cet effet, d'autres utilisent leur voiture personnelle à des fins professionnelles. Comment, dans ces cas-là, distinguer ce qui relève du personnel et du professionnel ? La question a été renvoyée à un décret, sans que l'application de cette mesure nous ait été, pour l'instant, explicitée.

Par ailleurs, nous nous étonnons que la distinction proposée à l'article 1er ne s'applique pas au droit de gage de l'État et des organismes de protection sociale concernant une partie des impôts et la totalité des cotisations sociales. L'État devrait pourtant donner l'exemple.

Aussi, nous proposerons que le droit de gage général dont bénéficie l'administration fiscale ne s'applique pas pour le recouvrement de la taxe foncière lorsque les entrepreneurs individuels auront opté pour l'impôt sur les sociétés.

À ce sujet, justement, je ne me satisfais pas de la solution trouvée pour permettre aux indépendants d'opter pour l'impôt sur la société, dès lors que leur chiffre d'affaires hors taxe est supérieur aux plafonds des régimes micro. L'article 13 du projet de loi de finances de 2022, qui traite de la question, crée une EIRL fictive, vecteur d'insécurité juridique – notre collègue Mattei l'avait d'ailleurs souligné lors de nos débats. Pour ma part, je suis convaincu que la solution aurait été de créer une réserve spéciale d'autofinancement – je regrette que l'amendement que j'avais déposé en ce sens ait été déclaré irrecevable.

Je crains par ailleurs que les effets de cette réforme sur la protection des biens personnels des entrepreneurs individuels ne soient pas ceux espérés. Nous courons le risque que les créanciers les plus importants, notamment les banques, exigent systématiquement des sûretés spéciales sur certains biens, voire une renonciation pure et simple au bénéfice de la séparation des patrimoines.

Quelques mots, également, de l'article 9 qui élargit les critères de l'allocation des travailleurs indépendants. Instituée en 2018, celle-ci n'a pas encore trouvé son public. En effet, les critères d'éligibilité, notamment ceux qui sont relatifs à la cessation d'activité, se sont avérés beaucoup trop restrictifs. Aussi, les modifications apportées par le projet de loi vont dans le bon sens : l'entrepreneur qui a connu l'échec doit pouvoir compter sur une aide d'urgence sans attendre une procédure de liquidation judiciaire.

De même, l'article 10, qui prévoit d'unifier le financement de la formation professionnelle des artisans en affectant les sommes collectées à un unique fonds d'assurance formation, de droit commun, apporte une simplification bienvenue.

Le dernier texte concernant les travailleurs indépendants remontait à 1994 – cela a été rappelé par plusieurs orateurs. Nous nous réjouissons donc que ce projet de loi, combiné aux mesures figurant dans le PLF et le PLFSS pour 2022, remédie en partie à cette situation. Il devra toutefois être parfait et sécurisé juridiquement afin de recevoir notre pleine approbation.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.