Intervention de Jean-Louis Bricout

Séance en hémicycle du lundi 10 janvier 2022 à 16h00
Activité professionnelle indépendante — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Louis Bricout :

Nous voici réunis une nouvelle fois – je salue au passage M. Alain Griset – pour examiner la traduction d'une promesse présidentielle visant à refondre le régime juridique qui s'applique aux travailleurs indépendants. C'est en effet à l'occasion des rencontres de l'Union des entreprises de proximité (U2P), le 16 septembre dernier, que le Président de la République a annoncé un plan de soutien aux 3 millions de travailleurs indépendants – artisans, commerçants, professionnels libéraux, etc. Si ce plan a vocation à répondre aux revendications anciennes des travailleurs indépendants, il aura fallu des mobilisations plus récentes – crise des gilets jaunes, grèves de la fin de l'année 2019 – pour que le Gouvernement fasse preuve d'un minimum de considération pour ces 3 millions de citoyens dont le rôle économique, l'importance pour l'emploi et l'esprit d'entreprendre ne sont plus à démontrer.

Le texte qui nous intéresse est loin de compléter efficacement les dispositions adoptées dans le cadre du PLF et du PLFSS pour 2022 pour constituer un plan de soutien à la hauteur des enjeux, des espérances et des promesses. Il en restera malheureusement un goût d'inachevé. Une brève analyse de l'incohérence ou de l'insuffisance des principaux articles suffit à nous en convaincre.

D'abord, l'article 1er tend à protéger le patrimoine privé de l'entrepreneur individuel tout en prévoyant la possibilité de renoncer à cette protection. À en croire l'avis rendu par le Conseil d'État du 28 septembre, cette renonciation risque de mettre à mal la protection créée par le projet de loi, en raison d'un rapport de force bien déséquilibré. Ainsi, lorsqu'un entrepreneur aura besoin d'emprunter pour financer l'achat de locaux ou de matériel ou pour développer son activité, les banques continueront de demander une caution personnelle.

Deuxièmement, l'article 9 élargit à la marge les règles restrictives d'accès à l'allocation des travailleurs indépendants tout en restreignant son cumul dans le temps. Si la création d'un troisième motif d'ouverture de l'ATI est bienvenue, elle ne constitue pas une réponse exhaustive. Des interrogations se posent notamment concernant les règles d'accès au dispositif, dont les contours restent flous. Sur ce point, nous proposerons de supprimer, ou au moins de réduire, la période incompressible de cinq ans entre la cessation du bénéfice de l'ATI et un nouvel accès à cette prestation. Il paraît également important de lutter contre le non-recours à cette allocation.

Troisièmement, l'article 12 vise à achever la réforme des règles de gestion des personnels des CCI engagée depuis la loi PACTE du 22 mai 2019. Alors que la convention collective destinée à s'appliquer à l'ensemble des personnels des CCI devait être adoptée avant la fin de l'année 2020, la situation reste à ce jour bloquée. Malgré ce constat, l'article 12 ne confie pas à l'État le rôle d'arbitrer un dialogue social à l'arrêt et comporte de nombreux reculs pour les personnels des CCI. Forts de nos échanges avec les partenaires sociaux concernés, nous proposerons un certain nombre d'amendements sur ce thème.

Nous commencerons par demander la suppression de cet article, qui semble de nature à dégrader les règles de gestion des personnels des CCI. À défaut et en guise de repli, nous proposerons, toujours par amendement, de confier la présidence de l'instance représentative nationale du personnel des CCI à l'État et de conserver le périmètre actuel de la convention collective à négocier, qui doit s'étendre à l'ensemble des personnes employées par les CCI et non être réduit aux seules personnes employées directement par elles. Nous vous demanderons en outre de cesser d'appliquer la convention collective Syntec aux personnels des CCI et de CCI France si les négociations échouaient, de supprimer le délai de six mois prévu entre la promulgation du présent projet de loi et la création des CSE au sein de chaque CCI, et de prévoir la nomination d'un médiateur en cas d'échec des négociations entre les partenaires sociaux.

L'article 12 comporte tout de même un petit motif de satisfaction : nous partageons, je le crois, la volonté d'aligner la durée du congé paternité s'appliquant aux agents de droit public des CCI sur le régime de droit commun. Nous saluons cette avancée sociale, si modeste soit-elle.

Au-delà des points déjà soulevés, ce texte reste malheureusement incomplet, puisqu'il ne traite pas de la protection sociale et des modalités de représentation des travailleurs indépendants recourant à des plateformes. Ce point fait d'ailleurs l'objet d'un texte spécifique visant à ratifier l'ordonnance n° 2021-484 du 21 avril 2021. Encore une fois, la méthode privilégiée pour légiférer et le contenu du texte ne donnent pas satisfaction aux représentants des travailleurs des plateformes.

Au vu de l'analyse que nous faisons des dispositions du texte, le groupe Socialistes et apparentés définira son vote en fonction du sort qui sera réservé aux avancées que nous proposerons.

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